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Compétences individuelles et compétences utilisées en situation de travail. Quels constats ? Quelle valorisation salariale ?

Cet article dresse un panorama général des compétences mobilisées au travail selon les caractéristiques des individus (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle et diplôme).

À partir des données de l’enquête internationale PIAAC de 2012, encore inutilisées dans cette perspective, cet article dresse un panorama général des compétences mobilisées au travail selon les caractéristiques des individus (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle et diplôme). Cet exercice permet notamment de mettre en évidence le contenu du travail des employés/ouvriers qualifiés et des employés/ouvriers non qualifiés. D’après ce panorama, si le contenu du travail entre emploi qualifié et emploi non qualifié diffère encore fortement, les tâches qui incombent aux employés et ouvriers non qualifiés suggèrent une mobilisation de compétences plus variée et plus intense qu’il n’y paraît au regard de la dénomination de la catégorie socioprofessionnelle à laquelle ils appartiennent.

Cet article cherche également à mieux comprendre la formation des salaires, en étudiant leur lien avec les compétences des individus. En effet, les compétences individuelles en littératie et numératie sont a priori une mesure plus fine du capital humain et donc de la productivité individuelle que le niveau de diplôme. Les résultats sont conformes à la théorie : il apparaît bien que le salaire augmente avec le score de numératie. En outre, plus le nombre de compétences utilisées au travail est élevé, plus le salaire l’est aussi. En revanche, il semble qu’un plus haut score de littératie ne soit pas associé à un meilleur salaire. L’estimation des équations de gains, permettant de contrôler d’autres variables jouant également sur le salaire, montre que si les compétences individuelles en littératie ou numératie, comme celles utilisées au travail, sont positivement corrélées au salaire, cet effet transite surtout par le niveau de diplôme et la position professionnelle à laquelle elles permettent d’accéder. À diplôme et catégorie socioprofessionnelle donnés, la valorisation salariale des compétences semble ainsi très limitée aujourd’hui en France. À titre d’exemple, un même écart de compétence en numératie sera trois fois mieux rémunéré s’il correspond à une différence de diplômes obtenus que s’il correspond à un écart de compétences entre deux personnes de même niveau de diplôme.

Une première hypothèse pour interpréter ces résultats serait que ce ne sont pas tant les compétences individuelles et celles concrètement mises en œuvre au travail qui expliquent majoritairement le salaire mais plutôt les grilles salariales fondées sur la position professionnelle et/ou le diplôme possédé. Les compétences joueraient donc un rôle important en permettant d’accéder à ces diplômes et positions professionnelles, mais ensuite l’évolution salariale y serait peu liée.

Une seconde interprétation, plus radicale, serait que le protocole utilisé dans l’enquête PIAAC pour mesurer les compétences individuelles et/ou le travail tel qu’il se fait concrètement ne permet pas de recueillir correctement l’information pertinente pour expliquer les trajectoires professionnelles, d’où la nécessité de mener des travaux complémentaires.