Publication

Qui sont les travailleurs à bas revenus d’activité et quelles sont leurs situations sur le marché du travail ?

En 2018, 16 % des travailleurs, soit 4,3 millions d’individus, perçoivent un revenu d’activité inférieur à 60 % du revenu d’activité médian de l’ensemble des travailleurs, soit moins de 1097 euros mensuels nets.

Le revenu d’activité correspond aux revenus individuels liés au travail, c’est-à-dire le salaire, les revenus d’activité indépendante, les indemnités maladie et accident du travail et les allocations chômage. Par rapport à l'ensemble des travailleurs, ceux à bas revenus d'activité sont plus souvent en emploi de façon discontinue au cours de l'année et sont plus souvent à temps partiel. Il s’agit plus souvent de personnes peu diplômées et de femmes. Contrairement aux travailleurs principalement salariés à temps complet chaque mois, les personnes dont l’offre de travail est limitée (emploi moins de la moitié de l’année, avec chômage ou inactivité majoritaire le reste de l’année) sont majoritairement à bas revenus d’activité. L’emploi indépendant, ainsi que l’emploi salarié continu mais à temps partiel constituent également des facteurs de bas revenus d’activité. Les travailleurs principalement à temps partiel chaque mois sont plus souvent positionnés dans les métiers les moins rémunérateurs que ceux à temps complet, ce qui pèse sur leurs revenus d’activité.

Caractéristiques des travailleurs à bas revenus d'activité comparativement à l'ensemble des travailleurs, et taux de bas revenus d'activité, en 2007 et 2018

En %

  Travailleurs à bas revenus d'activité Ensemble des travailleurs Taux de bas revenus d'activité 
  2007 2018 2007 2018 2007 2018
Ensemble         16 16
Sexe            
Femme 68 63 48 49 23 21
Homme 32 37 52 51 10 12
Âge            
16-24 ans 15 15 6 7 41 38
25-49 ans 60 55 70 64 14 14
50-64 ans 25 30 24 29 17 17
Catégorie socio-professionnelle            
Agriculteurs exploitants 6 4 2 1 47 40
Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 9 13 5 7 26 33
Cadres et professions intellectuelles supérieures 3 4 14 19 3 3
Professions intermédiaires 11 12 24 25 7 8
Employés 49 42 30 26 25 26
Ouvriers 22 26 24 22 14 19
Niveau du dernier diplôme obtenu            
Aucun diplôme, brevet des collèges 36 26 22 14 27 29
CAP, BEP, baccalauréat 48 52 46 44 17 19
Diplôme du supérieur 16 22 32 42 8 8
Composition du ménage            
Couple avec enfant(s) 50 50 51 51 15 16
Couple sans enfant 21 19 21 21 16 15
Personne seule 11 15 16 17 12 14
Famille monoparentale 10 12 7 9 23 23
Ménage complexe 8 4 4 2 29 39
Nationalité            
Français 94 87 96 94 16 15
Etranger 6 13 4 6 22 39
Taille de l'unité urbaine            
Rural 33 27 27 22 19 20
Urbain hors QPV 49 57 50 58 16 16
QPV 7 6 6 3 20 28
Agglomération de Paris hors QPV 11 10 17 16 11 10
Effectifs 4 000 000 4 300 000 25 100 000 26 600 000    
Part dans l'ensemble des travailleurs 16 16 100 100    

Lecture : en 2018, 63 % des salariés qui perçoivent des bas revenus d’activité sont des femmes ; parmi les femmes, 21 % perçoivent des bas revenus d’activité.
Champ : individus déclarant une activité principale pour chaque mois de l’année, dont au moins 6 mois en tant qu’actif et au moins un mois en emploi, hors étudiants et retraités, France métropolitaine.
Source : Insee, enquête SRCV, calculs Dares.

L’enquête Statistiques sur les ressources et les conditions de vie (SRCV) est la partie française de l’enquête annuelle européenne EU-Silc (Community Statistics on Income and Living Conditions), harmonisée par Eurostat et utilisée pour comparer les conditions de vie entre pays européens.

Un travailleur est défini ici comme un individu actif au moins 6 mois au cours de l’année, dont au moins un mois en emploi, selon la définition retenue par l’Insee dans le cadre des travaux menés sur les travailleurs pauvres en comparaison internationale [4][5]. L’effectif de travailleurs au cours d’une année est obtenu à partir du calendrier d’activité mensuel fourni par l’enquête SRCV, qui décrit le statut d’activité déclaré par les individus au titre de leur activité principale pour chaque mois de l’année précédant la date de l’enquête, et prend les modalités suivantes :

  • en emploi salarié à temps complet
  • en emploi salarié à temps partiel
  • en emploi non salarié
  • au chômage
  • à la retraite
  • en études
  • autre inactivité

On distingue ensuite les travailleurs selon leur statut d’activité au cours de l’année (emploi toute l’année ou pas) et selon la nature des emplois occupés (temps complet ou temps partiel notamment). Sur un an, chaque travailleur occupe ainsi une situation longitudinale sur le marché du travail parmi celles ci-après, qui forment une partition de l’ensemble :

  • en emploi salarié à temps complet chaque mois
  • en emploi salarié à temps partiel chaque mois
  • en emploi salarié à temps partiel ou complet chaque mois
  • en emploi non salarié chaque mois
  • en emploi salarié ou non salarié chaque mois
  • en emploi une partie majoritaire de l’année
  • en emploi moins de la moitié de l’année

Toutefois, en tenant compte seulement des activités principales déclarées chaque mois, cette méthode ne rend pas compte de situations d’activité spécifiques (notamment pluriactivité au cours d’un même mois ou travail à temps complet mais pas tous les jours du mois dans le cas des contrats courts).

En 2020, l’enquête SRCV fait l’objet d’une refonte qui modifie le mode de calcul des poids et des imputations de certaines variables, avec un impact particulier sur les variables de revenus. Cette refonte occasionne une rupture de série rendant impossible l’exploitation de séries longues au-delà de l’année 2019 (données sur l’année 2018).

Les exploitations de l’enquête présentées ici excluent les étudiants et les retraités.

Bas revenus d'activité et pauvreté monétaire

L’indicateur de revenus d’activité développé dans cette étude ne tient pas uniquement compte des revenus directement liés à l’activité professionnelle (salaires annuels perçus et revenus d’une activité non salariée), mais inclut également des revenus individuels indirects liés au travail, à savoir les indemnités maladie et accident du travail, ainsi que les allocations chômage. Il est une extension du concept de revenu salarial annuel développé par l’Insee [7] et s’inscrit dans le prolongement des travaux menés sur la pauvreté laborieuse [4]. Par rapport au salaire horaire, la comptabilisation des revenus sur l’année et l’ajout des allocations chômage permettent ainsi de tenir compte du volume d’emploi au cours de l’année et des revenus des personnes qui alternent périodes d’emploi et de non-emploi. L’enquête SRCV distingue notamment les montants annuels nets d’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) ainsi que ceux liés aux indemnités maladie et accident du travail, ce qui n’est pas le cas des sources administratives qui s’en tiennent aux salaires, aux revenus d’activité indépendante et, uniquement sous certaines conditions, aux montants bruts d’allocation chômage.

Dans cette publication, un travailleur perçoit des bas revenus d'activité nets si ces derniers sont inférieurs à 60 % du niveau de revenu d'activité net médian de l'ensemble des travailleurs, par analogie avec le calcul du seuil de pauvreté monétaire.
De 2007 à 2018, le seuil de bas revenus d’activité passe de 908 euros à 1 097 euros mensuels nets (tableau A dans le fichier données situé en bas de page). Le choix du seuil ne fait pas l’objet d’une définition institutionnelle. Lorsqu’il est légèrement modifié, cela joue sur la proportion de travailleurs à bas revenus, mais affecte peu le profil sociodémographique des travailleurs ainsi identifiés. En prenant un seuil égal au seuil de pauvreté monétaire des ménages (i.e. un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian des ménages), soit 1 128 euros nets par mois, la part des travailleurs à bas revenus serait alors de 17 % (tableau B dans le fichier données situé en bas de page).

Alternativement, en ne comptant que les revenus directement liés au travail (salaires et revenus d’activité indépendante) dans les revenus d’activité, la part de travailleurs à bas revenus serait de 19 % au lieu de 16 % (tableau B dans le fichier données situé en bas de page).

En plus de leurs revenus d’activité, les travailleurs à bas revenus ont d’autres ressources issues des revenus de leur ménage ou des prestations sociales, à partir desquels est calculé leur niveau de vie. Ainsi, en 2018, seuls 6 % des travailleurs à bas revenus d'activité vivent dans un ménage pauvre au sens de la pauvreté monétaire, une part relativement stable entre 2007 et 2018.

Au seuil retenu de revenus d’activité, une part importante des travailleurs à bas revenus perçoit notamment la prime d’activité, dont un des objectifs est de limiter la pauvreté des travailleurs à faibles revenus. Une partie de cette prime est d’ailleurs calculée en fonction de l’activité individuelle (bonus individuel). Toutefois, dans cette étude, la prime d’activité n’est pas incluse dans les revenus d’activité car il n’est pas possible de distinguer la part individuelle de celle dépendant du ménage dans l’enquête SRCV.

Estimation du niveau de rémunération par métier

Pour approcher le salaire horaire des salariés, qui ne figure pas dans l’enquête SRCV, la répartition des métiers selon leur niveau de salaire moyen est utilisée. Le salaire moyen est calculé sur le champ des salariés à temps complet toute l’année, ce qui approche un salaire horaire sous l’hypothèse que ces derniers occupent un emploi salarié à temps complet tous les jours du mois. Il est ensuite possible de répartir les salariés dans la distribution des métiers selon ce niveau de salaire, ce qui permet d’obtenir une estimation de leur positionnement dans la distribution des salaires en équivalent temps plein.