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Heures supplémentaires : quels changements dans leur mesure en 2023 ?

Depuis l’été 2023, les heures supplémentaires sont comptabilisées grâce à la Déclaration sociale nominative (DSN). Fouad Amar, Victor Barry et Patrick Pommier nous expliquent les nouvelles possibilités offertes.

Les heures supplémentaires sont une source complémentaire de revenu pour les salariés. Elles sont aussi un indicateur de la santé économique du pays : elles suivent généralement les fluctuations liées à l’activité des entreprises. Leur suivi est donc primordial.

Les heures supplémentaires sont les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale du travail fixée à 35 heures hebdomadaires (ou de la durée considérée comme équivalente dans certaines professions), à la demande de l’employeur ou avec son accord, même implicite. On distingue les heures supplémentaires dites « aléatoires » - qui sont réalisées pour faire face à un pic temporaire d’activité par tout ou partie des salariés d’une entreprise - des heures supplémentaires « structurelles » - qui sont intégrées dans le contrat de travail du salarié et sont effectuées de manière régulière.

Jusqu’en 2020, les heures supplémentaires étaient estimées à partir de l’enquête trimestrielle activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre (Acemo) et de l’enquête annuelle sur le coût de la main-d’œuvre et la structure des salaires (Ecmoss). Depuis l’été 2023, c’est la Déclaration sociale nominative (DSN) qui est utilisée.

Victor Barry, Fouad Amar et Patrick Pommier, statisticiens à la Dares nous expliquent pourquoi et comment le changement de source de données a été réalisé.

Changer de source offre de nouvelles possibilités…

Fouad Amar : Comme le soulignait Tanguy Martin en 2019, « la déclaration sociale nominative ouvre de nouvelles perspectives » en permettant d’exploiter les informations contenues dans les fiches de paie des salariés.

Premièrement, la déclaration sociale nominative nous permet de couvrir un champ plus large : désormais, nos données sur les heures supplémentaires prennent en compte les entreprises de moins de dix salariés – ce n’était pas le cas avec l’enquête Acemo.

Deuxièmement, le délai de mise à disposition des données est considérablement réduit : les chiffres trimestriels sont publiés deux mois après la fin du trimestre, les données annuelles cinq mois après la fin de l’année – contre respectivement 3 mois et 2 ans minimum auparavant.

Enfin, on capte mieux certaines situations. Par exemple, les heures supplémentaires structurelles, celles prévues dans le contrat de travail du salarié, sont beaucoup mieux détectées avec la DSN qu'elles ne l’étaient avec l’enquête Acemo.

La déclaration sociale nominative nous permet de couvrir un champ plus large : désormais, nos données sur les heures supplémentaires prennent en compte les entreprises de moins de dix salariés – ce n’était pas le cas avec l’enquête Acemo.

Le changement de source pour produire les données sur les heures supplémentaires est-il aussi lié à des nécessités techniques ?

Patrick Pommier : Tout d’abord, le Conseil national de l'information statistique (Cnis) nous incite à alléger les enquêtes à destination des entreprises ou des individus dans la mesure où l’administration a déjà accès aux informations par ailleurs. C’était le cas avec les heures supplémentaires : les données sont désormais disponibles via une source administrative, la Déclaration sociale nominative.

Ensuite, le choix a été fait d’unifier les sources de données. Jusqu’ici, l’enquête Acemo fournissait les données trimestrielles, l’enquête Ecmoss les données annuelles. Désormais la DSN est utilisée pour les deux séries de données. 

Ce changement de source n’est pas inédit à la Dares. Concernant nos séries liées aux mouvements de main-d’œuvre (embauches, démissions, licenciements…), nous avions déjà, à l’été 2020, remplacé deux enquêtes (DMMO et EMMO) par la DSN.

On imagine que le changement de source ne se fait pas du jour au lendemain…

Victor Barry : Notre travail de statisticien consiste à expertiser les données avant de les publier pour s’assurer de leur robustesse. Nous avons commencé par comparer ancienne et nouvelle source de données.

Pendant cette phase préparatoire, nous avons relevé un volume d’heures supplémentaires plus important dans la DSN par rapport à l’enquête Acemo. Cela s’explique notamment par la façon dont est menée l’enquête trimestrielle Acemo : cette dernière portait sur la situation des individus présents à la fin du trimestre. Autrement dit, un salarié qui effectuait des heures supplémentaires les deux premiers mois du trimestre mais qui n’était pas présent à la fin du trimestre n’était pas pris en compte.

Par ailleurs, du côté de la DSN, différents redressements ont été nécessaires. Il faut par exemple corriger les valeurs qui semblent erronées et vérifier les seuils d’heures supplémentaires par rapport à la réglementation. On peut ainsi voir des contrats de 39 heures qui ne comptent aucune heure supplémentaire. Or, toute heure de travail accomplie, à la demande de l'employeur, au-delà de 35 heures par semaine constitue une heure supplémentaire.

Enfin, il a fallu effectuer un travail de « rétropolation » des données, de façon à reconstituer des séries sur longue période mêlant ancienne et nouvelle source de données (graphique 1). Pour cela, on a estimé sur le passé, à partir des données issues d’Acemo, des séries selon les concepts et le champ de la nouvelle source de données, la DSN.

Nombre d'heures supplémentaires trimestrielles par salarié à temps complet

Ce changement de source appelle-t-il d’autres travaux ?

Fouad Amar : La publication des nouvelles séries sur les heures supplémentaires ouvre effectivement la voie à de nouveaux travaux. À la Dares, cela a été particulièrement utile pour les équipes qui travaillent sur les heures travaillées ou rémunérées. Nous échangeons également avec d’autres services statistiques sur les données relatives au secteur public. Enfin, nous réfléchissons à compléter les données brutes produites par des données corrigées des effets saisonniers.