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« La déclaration sociale nominative ouvre de nouvelles perspectives »

Interview - Tanguy Martin, statisticien au département Emploi, nous explique comment est utilisée la déclaration sociale nominative (DSN) à la Dares et ce qu’elle permet de faire.

Obligatoire pour les employeurs privés depuis 2017 et en phase de déploiement dans la fonction publique, la Déclaration sociale nominative (DSN) est une mine d'informations pour la Dares et une grande simplification pour les entreprises.

Depuis 1947, les employeurs sont tenus de communiquer chaque année aux organismes de sécurité sociale des données sur les rémunérations de leurs salariés. Au fil des années, se sont ajoutées d’autres déclarations obligatoires : le Bordereau récapitulatif des cotisations (BRC), la Déclaration unifiée de cotisations sociales, la déclaration des mouvements de main-d’œuvre (MMO)...  

Aussi, au début des années 2000, l’administration a préparé une transmission d’information unique, dématérialisée et automatique. Aujourd’hui, la DSN est en service et permet aux administrations concernées de récupérer les informations nécessaires à leurs activités.

La Dares utilise des données transmises par les entreprises via la DSN pour produire des études et statistiques.


La DSN, c’est finalement une opération de simplification des déclarations sociales et fiscales pour les entreprises ?

Ces transmissions d’informations reposaient sur une obligation légale, mais les besoins des administrations, les modes de transmission, les échéances n’étaient pas coordonnés : il fallait envoyer à l’Acoss les salaires, cotisations et contributions de leurs salariés (par exemple via les DADS-U ), à la Dares les ruptures de contrats et les embauches (via DMMO-EMMO), à la Caisse nationale d’assurance maladie les arrêts de travail, maladie, maternité, paternité etc. 

Beaucoup d’interlocuteurs donc…et de redites : 62 % des entreprises estimaient déclarer de mêmes informations à de multiples reprises pour les déclarations sociales1. La DSN a donc permis d'alléger la charge qui incombait aux entreprises : il leur est demandé moins de choses et en une seule fois ! C’est pour elles trois fois moins de données à envoyer2. La transmission est également facilitée : les données sont automatiquement télétransmises depuis les logiciels de paie. 

Pour les salariés, la DSN est synonyme de procédures simplifiées et de meilleur suivi des dossiers par les organismes, donc de meilleure prise en compte de leurs droits.

Avant la mise en place de la DSN, les entreprises devaient remplir au moins 29 déclarations différentes :

  • La CNAMTS, Pôle emploi et la MSA accèdent à ces données dans le cadre de signalements d’évènements les concernant.
     
  • La CNAMTS reçoit également les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U.
     
  • La DARES reçoit sur la base de ces données les éléments indispensables à la substitution de la DMMO/EMMO.
     
  • Pôle emploi reçoit les données mensuelles filtrées pour les CDDU infra DSN sous dérogation et pour substituer :
    - Le Relevé Mensuel de mission
    - Les SDE
     
  • L’ACOSS reçoit les données mensuelles filtrées pour substituer la DUCS, la DADSU, le BRC et le TR.
     
  • La CNAF reçoit les données mensuelles filtrées à titre expérimental à des fins de contrôles et sans substitution de déclarations.
     
  • La MSA reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DTS (Déclaration Trimestrielle des Salaires), BVM (Bordereau de versement mensuel) et DADS-U.
     
  • Les institutions de prévoyance, mutuelles, sociétés d’assurance, organismes complémentaires non fédérés par un membre du GIP-MDS (CTIP, FFSA, FNMF), reçoivent les données indispensables à la substitution de la DUCS EDI, DUCS EFI, Bordereau d’appel trimestriel des Organismes Complémentaires et de la DADS-U.
     
  • L’AGIRC-ARRCO reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution des appels de cotisations Agirc-Arrco (DUCS EDI, EFI, papier,…) et de la DADS-U.
     
  • La CRPCEN reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la déclaration des cotisations sur salaires dues, de la déclaration nominative annuelle (DNA), de la déclaration de mouvement de personnel et de la déclaration de nouvelles conditions d’emploi.
     
  • La CNIEG reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution des bordereaux de cotisations (C131, D131 et D131-bis), des déclarations annuelles (DADS-U et DARS) et ultérieurement d’une partie de la DECA (Déclaration des Eléments de Carrière des Affiliés).
     
  • La CAMIEG reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution des bordereaux de Cotisations complémentaires et Cotisations de solidarité ainsi que des évènements individuels déclarés sur les DAR (Déclaration d’Affiliation et de Radiation).
     
  • La DGFiP reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U et aux déclarations et paiements du Prélèvement à la source.
     
  • L’IRCANTEC reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U.
     
  • La CNAV reçoit les données mensuelles nécessaires à la substitution de la DADS-U.
     
  • L’INSEE reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADSU 5 Principes de constitution des messages 2020-12-09 100 / 339.
     
  • L’ASP (Agence de Services et de Paiement) reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U.
     
  • La CRPNPAC reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U et de la déclaration des cotisations.
     
  • La CPRP SNCF reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U.
     
  • Les Congés spectacles reçoivent les données mensuelles indispensables à la substitution du Certificat d'emploi.
     
  • Le CPF reçoit les données mensuelles indispensables à l'alimentation du compte personnel de formation.
     
  • La CNRACL reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U et de la DUCS URSSAF (cette dernière n'incluant que les contributions de type solidarité dès lors que cette contribution est collectée par les URSSAF).
     
  • Le FSPOEIE reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U et de la DUCS URSSAF (cette dernière n'incluant que les contributions de type solidarité dès lors que cette contribution est collectée par les URSSAF).
     
  • Le RAFP reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADSU et de la DUCS URSSAF (cette dernière n'incluant que les contributions de type solidarité dès lors que cette contribution est collectée par les URSSAF).
     
  • Le RAEP reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADSU.
     
  • La CNBF reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADSU et le Bordereau Récapitulatif des Cotisations (BRC).
     
  • Les caisses de congés payés CIBTP reçoivent les données mensuelles indispensables à la substitution de la DADS-U CIBTP et de la DUCS CIBTP.
     
  • Les caisses de congés payés du Transport et de la Manutention portuaire reçoivent les données mensuelles indispensables à la substitution des fichiers d'échange permettant le calcul des droits aux congés payés.
     
  • La Direction des Affaires Maritimes reçoit les données mensuelles indispensables à la connaissance de l’activité des marins.
     
  • L’ENIM reçoit les données mensuelles indispensables à la substitution de la DMIST et de la DTA, dans le cadre de la gestion et du calcul des droits maladie et vieillesse des gens de mer.

A noter : si les données des salariés sont nécessairement structurées sous chaque SIRET d’établissement d’affectation, les blocs « généraux » sur les paiements n’ont pas à être répétés dans les différents SIRET. Si le siège règle les cotisations pour l’ensemble de ses filiales, les blocs en question ne seront présents que sous ce SIRET siège.

La DSN allège la charge des entreprises…mais a-t-elle aussi des avantages pour la statistique publique ?

Bien sûr ! Si nous disposons des mêmes informations qu’avant (salaires, primes, cotisations sociales, type et dates du contrat de travail, arrêts maladie, maternité ou paternité…), nous en obtenons de plus précises, voire de nouvelles, par exemple sur le prélèvement à la source, la pénibilité, l’ancienneté… Les remontées mensuelles de cette déclaration unique, dont nous disposons autour du 20ème jour après la fin du mois, permettent de disposer de données très fraîches. 

Le gros point fort de la DSN est sa quasi-exhaustivité dans le secteur privé : par exemple, elle permet de disposer d’une information sur les embauches et fins de contrat de toutes les entreprises, alors qu’auparavant seulement une partie des petits établissements était enquêtée sur ce sujet. Depuis janvier 2017, toutes les entreprises privées et les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) ont rejoint le dispositif. Aujourd’hui, 23 millions de bulletins de paie sont reçus chaque mois.

Mais nous avons dû mener d’importants travaux méthodologiques pour profiter de ces avantages.

Par exemple, concernant l’emploi intérimaire ou les mouvements de main-d’œuvre, les données étaient jusqu’alors obtenues par différents canaux. Il a donc fallu mener un travail de mise en cohérence entre les anciennes sources et la DSN. Désormais ces deux publications statistiques sont fondées à 100 % sur la DSN.

La DSN est donc une base de données riche…

Extrêmement riche même ! La DSN reprend les informations contenues dans les fiches de paie. Autrement dit, une ligne de la base de données représente un contrat à un mois donné. Pour un salarié qui a travaillé une année complète sans changer de contrat, on va donc avoir 12 lignes avec, pour chaque mois, le type de contrat, le salaire, etc. Au final, nous avons plus de 25 000 000 de lignes à traiter chaque mois !

On se lance donc dans la reconstitution d’un puzzle géant ! Le système d’information mis en place à la Dares recrée le parcours de chacun des salariés. Concrètement, il va récupérer chacune des lignes qui concernent un salarié précis pour compiler toutes les informations : les x mois de CDD dans telle entreprise, le passage en CDI dans telle autre, etc.

" Chaque mois, on se lance donc dans la reconstitution d’un puzzle géant ! "

Une fois les parcours des salariés reconstitués, le travail est loin d’être terminé : il faut détecter les éventuelles incohérences, les erreurs de saisie et savoir comment les traiter. Notre objectif, c’est de pouvoir passer d’une base de données administrative - les DSN que l’on reçoit - à une véritable base de données statistique - des DSN retraitées.

En effet, on trouve régulièrement toutes sortes d’anomalies : un salarié ayant travaillé 152 jours dans le mois, une personne qui serait née en 2030, ou un salarié qui voit son contrat se terminer avant même d'avoir commencé…

Nous avons une équipe de trois gestionnaires qui s'attelle à comprendre l’origine de ces erreurs en contactant les entreprises. C’est un très gros travail… mais c’est nécessaire, notamment pour que les entreprises ne les perpétuent pas. Cela nous permet également d’avoir un retour des déclarants pour améliorer nos traitements de la DSN.

Plus généralement, la DSN n'échappe pas aux écueils habituels des bases de données administratives. La qualité des déclarations doit être expertisée avant toute exploitation, en particulier parce que les normes déclaratives se modifient au gré des changements réglementaires. 

Concrètement, quels sont les travaux que la DSN a rendus possibles à la Dares ?

" Nous avons des données beaucoup plus détaillées et nous pouvons analyser des sous-populations. "

La quasi-exhaustivité de la DSN ouvre vraiment de nouvelles perspectives : nous avons des données beaucoup plus détaillées et nous pouvons analyser des sous-populations : les stagiaires, les salariés les plus jeunes… 

Les données de la DSN ont également fait l’objet d’appariements avec d’autres sources d’information pour éclairer le sujet de l’insertion et la formation des demandeurs d’emploi ou celui du devenir des jeunes après une formation de la voie professionnelle (Inserjeunes).

La DSN et sa version Dares sont-elles amenées à évoluer ?

Bien sûr ! Il y a déjà une très grande partie des entreprises privées dans le champ de la DSN. En 2020, les employeurs que sont les régions, départements, établissements départementaux et organismes intercommunaux mais aussi l'assistance publique - hôpitaux de Paris par exemple, recourent à la DSN pour s’acquitter de leurs déclarations sociales.

En 2021, d’autres employeurs publics vont les rejoindre : les communautés de communes, les communes de plus de 100 agents, les établissements communaux de plus de 350 agents ou encore les hôpitaux publics et établissements publics sociaux et médico-sociaux de plus de 1 500 agents. Enfin, en 2022, ce sera le tour des entreprises Mahoraises et du reste de la fonction publique. Pour l’instant, les particuliers employeurs et une partie du régime agricole (surtout de petites exploitations) ne sont pas concernés.

Au-delà de cette extension du périmètre de la DSN, à la Dares, nous faisons régulièrement évoluer notre système d'information interne qui traite la DSN, afin d’améliorer la qualité des données mobilisées pour nos usages statistiques. 

Nos travaux issus de la DSN