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L'économie des plateformes

Enjeux pour la croissance, le travail, l’emploi et les politiques publiques

Créées en plein coeur de la Grande Récession, les entreprises Airbnb et Uber sont devenues en quelques années des start-up mondiales, symboles de l’essor d’une « nouvelle économie ».

Leurs modèles d’affaires, fondés sur l’externalisation de la production auprès d’une multitude de producteurs indépendants, suscitent des controverses récurrentes dans le débat public. Dans ce document d’études, nous cherchons à cerner un peu mieux ce phénomène et à faire le point sur son développement et sur les enjeux qu’il soulève pour les politiques publiques..

Nous commençons par un essai de définition et de mesure. Le terme d’« économie des plateformes », comme celui d’« économie collaborative » dont l’emploi est très hétérogène, n’est attaché à aucune définition officielle et le champ retenu par les différentes études sur le sujet est plus ou moins large, comme l’atteste l’abondance des dénominations qui circulent (gig economy, sharing economy, uberisation, crowdworking…). La mesure statistique du phénomène pose également plusieurs difficultés, même si la plupart des études disponibles concluent qu’il est encore limité – 0,5 % environ des actifs travailleraient via des plateformes aux États-Unis – bien qu’en pleine croissance.

Les impacts potentiels de l’économie des plateformes sur la croissance, le travail et l’emploi sont ensuite étudiés. Les mécanismes de croissance résident notamment dans l’amélioration du fonctionnement des marchés qu’on peut attendre de la mise en concurrence d’un grand nombre d’offreurs et de demandeurs ainsi que de l’émergence de modes de coordination et de révélation de l’information peu coûteux. A contrario, les plateformes fonctionnent selon des rendements croissants qui peuvent restreindre la concurrence et la croissance économique.

Sources d’inquiétude, les effets possibles sur le travail et l’emploi sont encore plus contrastés.
L’économie des plateformes offre des emplois flexibles, avec une organisation plus libre du temps de travail, qui se prêtent particulièrement à l’exercice d’activités d’appoint. Ils peuvent mieux convenir que les emplois classiques aux préférences de certains travailleurs et accroître en conséquence le niveau total d’emploi ; mais ils peuvent d’un autre côté contribuer à dégrader la qualité des emplois en augmentant la précarité et les risques psychosociaux, surtout s’ils se substituent à des emplois salariés mieux protégés.

Nous examinons enfin les enjeux en termes de politiques publiques. Du côté du droit du travail et de la protection sociale, l’économie des plateformes prolonge les questionnements qui ont émergé avec la diversification des formes d’emploi : opportunité de la création d’un statut intermédiaire entre salarié et travailleur indépendant, sécurisation des parcours professionnels… Les pouvoirs publics sont également confrontés à la nécessité d’adapter le système de prélèvements obligatoires, afin que les revenus issus des activités des plateformes soient mieux déclarés. Les conflits récurrents entre les plateformes et les acteurs traditionnels des secteurs concernés font enfin émerger de nouveaux besoins de réglementation de la concurrence et des marchés.