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Recruter un homme ou une femme, les employeurs ont-ils des préférences ?

Hommes, femmes : mots d’emploi

Dans 84 % des recrutements masculins, les recruteurs déclarent être indifférents au sexe de la personne recrutée.

Dans 84 % des recrutements masculins1, les recruteurs déclarent être indifférents au sexe de la personne recrutée ; dans 4 % des cas, ils considèrent que cela aurait été un avantage d’être une femme pour occuper ce poste et, dans 13 % des cas, un inconvénient. Ce dernier chiffre constitue probablement un minorant dans la mesure où les employeurs ne déclarent pas forcément spontanément leurs a priori.

Les employeurs considérant que cela aurait été un inconvénient d’être une femme pour occuper le poste le justifient majoritairement par les contraintes liées à la nature du poste (plus de 90 % d’entre eux, graphique A). La deuxième raison la plus souvent avancée (29 % des cas) est que certaines tâches sont mieux réalisées par les hommes et d’autres par les femmes. Ces différences d’aptitudes et de compétences supposées entre les hommes et les femmes peuvent alimenter des comportements de discrimination à l’embauche, les femmes étant sélectionnées pour exercer certains types de métiers ou d’activité et non pour d’autres.

GRAPHIQUE A | Raisons pour lesquelles cela aurait été un inconvénient d’être une femme pour occuper ce poste (en %)

La troisième raison avancée par les employeurs est leur choix personnel (13 % des cas). Il peut s’expliquer par leur volonté de rééquilibrer les équipes en place entre hommes et femmes mais aussi par un comportement potentiellement discriminatoire. Il est ainsi possible que le recruteur, « par goût », ne souhaite pas être en contact avec la population qu’il discrimine : l’embauche d’une femme peut dès lors être à l’origine d’un coût psychologique pour le recruteur s’il préfère travailler dans un environnement masculin. Cette discrimination peut également être statistique. En présence d’une information imparfaite sur les caractéristiques des candidats (et donc leur productivité sur le poste), les employeurs préféreront s’appuyer sur des signaux facilement observables, tels que le sexe. Ils recruteront alors de préférence les personnes appartenant au groupe auquel ils attribuent une productivité plus élevée. La productivité anticipée dépend des croyances de l’employeur : le fait d’être une femme est parfois associé à la gestion des contraintes familiales et à un moindre engagement dans le travail2. Aussi, ces dernières risquent-elles d’être défavorisées lors de l’embauche.

La discrimination par « goût » de Becker n’est pas limitée aux employeurs et peut également concerner les autres travailleurs dans l’entreprise ainsi que les consommateurs. Dans l’enquête Ofer 2016, les recruteurs les évoquent moins souvent que leur propre choix pour motiver le fait qu’embaucher une femme sur le poste aurait été un inconvénient : les préférences des clients, des usagers, des fournisseurs ou d’autres entreprises le sont dans 6 % des cas et celles des salariés dans 10 % d’entre eux (« pour ne pas susciter de réactions négatives de la part de certains de vos salariés »).

Les préférences des recruteurs varient-elles selon les caractéristiques de leur établissement ainsi que celles des postes à pourvoir ? Les recruteurs estimant qu’embaucher une femme plutôt qu’un homme sur le poste considéré aurait été un avantage sont peu nombreux (4 %). Leur établissement compte plus souvent moins de 10 salariés et a été créé plus récemment (moins de trois ans d’ancienneté). Ils ont également plus souvent l’habitude de recruter.

Davantage de caractéristiques liées au poste à pourvoir et à leur établissement 3 différencient les recruteurs embauchant un homme et considérant que le recrutement d’une femme sur le poste considéré serait un inconvénient (tableau complémentaire C, sur le site de la Dares). C’est plus souvent le cas dans la construction que dans le commerce et inversement, moins répandu dans les transports, l’hébergement-restauration ou l’information-communication.

Cette perception est plus fréquente dans les établissements de moins de 50 salariés, comme dans l’enquête Ofer de 2005. A contrario, elle l’est moins parmi ceux faisant partie d’un groupe ou d’une entreprise multi-établissements. Si la présence d’un service des ressources humaines n’influe pas sur cet aspect, la standardisation des procédures – mesurée par le fait d’avoir une procédure identique pour tous les recrutements – réduit la perception défavorable aux femmes. De la même manière, Berson, Laouenan et Valat ont constaté que le risque de discrimination à l’embauche était moindre en présence d’une procédure de recrutement centralisée. Le sexe du recruteur ne joue pas sur ses préférences déclarées à l’égard du sexe de la personne recrutée (cf. Focus 2).

Les caractéristiques du poste à pourvoir jouent également un rôle dans le fait d’embaucher un homme et de considérer le recrutement d’une femme comme un inconvénient. Proposer un contrat à durée indéterminée4, à temps plein et non subventionné augmente ce risque. Il en est de même pour les postes d’ouvriers, contrairement à ceux de cadres. En cas de tension sur le métier, la discrimination est moindre, les employeurs devant faire leur choix parmi un nombre plus restreint de candidats (un constat partagé par Berson). C’est également le cas des postes situés dans une commune d’une aire urbaine de moins de 200 000 habitants, ceci pouvant également en partie être dû à la relative pénurie de candidatures.

Pour les recrutements sur des postes liés à l’installation, la réparation ou la maintenance, à la manutention, au magasinage et la logistique ou encore à la production, le chantier ou l’exploitation, les employeurs sont plus nombreux à déclarer que recruter une femme plutôt qu’un homme sur le poste concerné aurait été un inconvénient (graphique B). Les embauches sur ce type de poste concernent majoritairement des hommes. Néanmoins, la relation n’est pas systématique puisque cela vaut aussi pour les fonctions de gardiennage, de nettoyage et d’entretien ménager, plus souvent exercées par des femmes. Les employeurs recrutant sur ces fonctions mettent plus souvent en avant le fait que certaines tâches sont mieux réalisées par les hommes et d’autres par les femmes, les préférences de leurs clients et de leurs usagers ainsi qu’un risque d’absentéisme des femmes.

A contrario, pour les postes associés à des fonctions d’enseignement et de formation, les employeurs sont plus nombreux à considérer que recruter une femme serait un avantage. Les recruteurs les plus indifférents au sexe de la personne recrutée sont ceux embauchant sur des postes associés à la gestion et comptabilité, ainsi qu’aux études, à la recherche-développement et aux méthodes.

GRAPHIQUE B | Préférence ou non pour le recrutement d’une femme selon la fonction considérée (en %)

1 Ils représentent 53 % des recrutements. Même si l’enquête Ofer 2005 n’est pas strictement comparable à Ofer 2016, les recruteurs indiquaient en 2005 que le sexe n’avait pas été indifférent dans un tiers des recrutements qui avaient abouti à l’embauche d’un homme.

2 6 % des recruteurs évoquent ainsi un risque d’absentéisme des femmes en raison de gardes d’enfants.

3 Ceci pouvant en partie s’expliquer par les effectifs concernés, plus élevés lorsque les recruteurs ayant embauché un homme considèrent le recrutement d’une femme comme un inconvénient que lorsqu’ils le considèrent comme un avantage.

4 La plus grande attention portée au sexe de la personne recrutée en cas d’embauche en CDI avait déjà été observée lors de l’enquête précédente.