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Évaluation interdisciplinaire des impacts du CICE en matière d’emplois et de salaires (2018)

Ce rapport s’attache à approfondir les résultats déjà obtenus sur deux points principaux : le recentrage de la stratégie d’analyse sur la discontinuité du dispositif à 2,5 SMIC et l'analyse de l’hétérogénéité des effets, en restreignant l’estimation à un échantillon fortement concerné par la discontinuité.

En l’absence de nouvelles données, le nouveau rapport produit par le LIEPP s’attache plutôt à approfondir les résultats obtenus précédemment, sur deux points principaux.

Le premier est le recentrage de la stratégie d’analyse sur la discontinuité du dispositif à 2,5 SMIC. Celle-ci est exploitée dans un premier temps pour étudier les salaires individuels autour de ce seuil (salaires à l’embauche et évolution des salaires). Dans un deuxième temps, au niveau des entreprises, une nouvelle approche économétrique est développée, qui se fonde sur la répartition des entreprises dans différentes cellules définies par leur distribution des salaires et permet de comparer des entreprises qui diffèrent uniquement par cette distribution entre 2,2 et 2,8 SMIC, soit bien au niveau du seuil. Une présentation plus détaillée de cette nouvelle approche pourrait par ailleurs enrichir le document de travail, sur le modèle de la présentation très claire qui en a été faite en séance par exemple.

Le second approfondissement est une analyse de l’hétérogénéité des effets, en restreignant l’estimation à un échantillon fortement concerné par la discontinuité d’une part, et en distinguant de nouvelles variables (genre, secteur d’activité, taille de l’entreprise, pouvoir de monopsone, statut d’exportation…) d’autre part.

Les résultats sont globalement identiques à ceux obtenus précédemment :

  • au niveau individuel, il n’apparaît pas de discontinuité autour du seuil de 2,5 SMIC, ni sur les salaires à l’embauche, ni sur l’évolution des salaires des salariés en place ;
  • au niveau des entreprises, on n’observe pas d’effet sur l’emploi, mais un effet positif sur les salaires est mesuré, en particulier pour les cadres. Ce résultat d’un effet concentré sur des salariés non directement concernés par la mesure, qui peut surprendre au premier abord, a été également trouvé dans une étude parue depuis les dernières réunions du comité d’évaluation sur des mesures comparables au CICE en Suède.

Ces nouveaux éléments confirment la robustesse des résultats publiés précédemment par le comité d’évaluation, mais ne permettent toujours pas de concilier de façon évidente ces travaux avec ceux de l’équipe du TEPP, qui concluent quant à eux à un effet légèrement positif sur l’emploi et aucun effet sur les salaires. Les nouvelles stratégies mises en œuvre par l’équipe du LIEPP renforcent cependant la distinction entre les deux stratégies économétriques, en se concentrant sur le seuil de 2,5 SMIC alors que l’équipe du TEPP observe des groupes probablement plus hétérogènes et cherche plutôt à identifier un effet global du CICE. Une piste d’explication à la divergence des résultats est peut-être à chercher dans cette direction, en plus des éléments liés au choix des variables de contrôle mis en évidence par l’étude de l’Insee.

Pour approfondir ce travail, nous suggérons d’affiner encore l’analyse de l’hétérogénéité des effets en restreignant l’analyse aux entreprises les plus concernées par le seuil (en fonction de la distribution des salaires entre 2,2 et 2,8 SMIC), comme cela est fait ailleurs dans le rapport. Par ailleurs, nous tenons à rappeler que les salaires tels qu’ils sont mesurés dans les DADS ne correspondent pas exactement à l’assiette du CICE (qui n’inclut pas, par exemple l’épargne salariale, alors qu’elle est comptée dans le salaire brut des DADS). L’absence d’effets observée autour du seuil de 2,5 SMIC sur la rémunération totale peut peut-être cacher des stratégies de contournement, en diversifiant le type de rémunération pour rester en deçà du seuil de 2,5 SMIC en ce qui concerne l’assiette du CICE tout en continuant d’augmenter les rémunérations comme auparavant.

Enfin, nous tenons à souligner la qualité constante du travail de l’ensemble des équipes et à saluer le travail effectué pour continuer à approfondir les résultats obtenus et répondre aux questions qui se posent toujours.

La Dares est membre du comité technique du CICE, hébergé à France Stratégie. A ce titre, Fanny Mikol et Michael Orand étaient les rapporteurs de la présente étude réalisée par le LIEPP.