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Évaluation interdisciplinaire des impacts du CICE en matière de compétitivité internationale, d’investissement, d’emploi, de résultat net des entreprises et de salaires (2017)

Les différentes études s’accordent sur un effet légèrement positif du CICE sur les marges des entreprises, sur la masse salariale globale, ainsi que sur les salaires individuels, notamment pour les travailleurs les plus qualifiés (TEPP et LIEPP).

Les travaux réalisés par les équipes de recherche depuis la publication du rapport complémentaire de mars 2017, en particulier l’ajout de l’année 2015 dans les estimations des effets du CICE, confirment les résultats obtenus jusqu’alors, aussi bien dans leurs convergences que dans leurs divergences. 

Les différentes études s’accordent sur un effet légèrement positif du CICE sur les marges des entreprises, sur la masse salariale globale, ainsi que sur les salaires individuels, notamment pour les travailleurs les plus qualifiés (TEPP et LIEPP). Un effet sur les prix est également mis en évidence par l’Insee, en particulier dans quelques secteurs. Il n’y aurait en revanche pas eu d’effet du CICE sur l’investissement.

Malgré un résultat commun sur l’augmentation de la masse salariale sous l’effet du CICE, les travaux des équipes divergent cependant sur la question de l’effet sur l’emploi. Le TEPP mesure un effet positif de l’ordre de 100 000 emplois (plutôt non-qualifiés), alors que le LIEPP conclut à un effet nul du CICE sur l’emploi. Comme l’année dernière, ces divergences tiennent à une différence de spécifications entre les deux équipes, parmi lesquelles il est difficile de trancher. Nous restons sur la position présentée en mars dernier, à savoir une légère préférence pour le modèle choisi par le TEPP, notamment du fait que leur modèle ne préjuge pas d’un effet linéaire du CICE sur les variables d’intérêt du modèle.

Par ailleurs, les effets mesurés par le LIEPP montrent un effet de substitution en faveur des travailleurs les plus qualifiés qui ne semble pas cohérent avec la théorie économique : l’élasticité du travail à son coût étant plus importante pour les salaires les plus bas, on devrait au contraire observer une évolution de l’emploi plus favorable pour les travailleurs les moins qualifiés. Ce constat pose cependant plusieurs questions qui pourraient ouvrir des perspectives intéressantes pour la suite des travaux.

Les entreprises les plus exposées au CICE sont celles où la proportion de bas salaires est la plus importante. Dans un contexte de hausse du progrès technique, ce sont ces entreprises qui auraient également le plus intérêt à remplacer le travail peu qualifié par du travail qualifié et du capital (notamment en technologies de l’information et de la communication)1. La question serait alors de savoir si l’effet de substitution identifié par le LIEPP relève uniquement d’une corrélation liée à la structure de la main-d'œuvre dans l’entreprise (et donc à une incitation plus ou moins forte à effectuer cette substitution) ou si le CICE a pu effectivement avoir un effet accélérateur. Une piste pourrait être de plus grandes marges de manœuvre financières permises par le CICE pour investir dans de nouvelles technologies, investissement qui s’accompagnerait d’une restructuration de la main-d'œuvre. Dans ce cadre, il serait intéressant d’étudier s’il y a une différence de recours aux TIC en fonction du degré d’exposition au CICE et si celui-ci a pu accélérer des mutations technologiques dans les entreprises qui en ont le plus bénéficié.

La question reste posée de savoir pourquoi cet effet de substitution n’est pas identifié aussi clairement par le modèle du TEPP (même si dans certaines spécifications, qui tiennent compte de la tendance individuelle des entreprises, il semble effectivement que le travail qualifié ait progressé plus vite que le travail non qualifié). Cela pourrait provenir d’un contrôle plus fin de la structure de qualification dans les modèles économétriques.

Au cours des différentes séances du comité de pilotage technique, l’équipe du LIEPP a également montré des premiers travaux exploratoires utilisant le seuil de 2,5 Smic pour chercher à identifier des effets du CICE sur la structure des emplois. Il nous semble que cette piste est intéressante et mériterait d’être approfondie, en élargissant peut-être les investigations aux différences de tendance (et pas seulement de niveau) au-delà et en-deçà du seuil.

Enfin, il convient de rappeler que les travaux présentés reposent pour l’essentiel sur l’identification d’hétérogénéité entre les entreprises en ce qui concerne le montant de CICE dont elles peuvent bénéficier. Dans le cas où l’effet global du CICE se serait réparti plus largement entre les entreprises, notamment par des effets sur les prix de consommation intermédiaire (ce que semble par ailleurs montrer l’étude de l’Insee), il devient difficile d’attribuer à chaque entreprise un effet propre du CICE sur la seule base du montant de la créance à laquelle elle a droit. Enfin, soulignons également la grande hétérogénéité au sein des entreprises quant à la façon de prendre en compte le CICE (baisse de la masse salariale, somme disponible à l’investissement…) qui peut non seulement retarder l’apparition des effets attendus, mais également rendre leur mesure plus difficile.

 

La Dares est membre du comité technique du CICE, hébergé à France Stratégie. A ce titre, Fanny Mikol et Michael Orand étaient les rapporteurs de la présente étude réalisée par le LIEPP.