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La nomenclature des familles professionnelles

FAP

Interview - Alexis Eidelman, chef du département Analyse des métiers et emploi des travailleurs handicapés à la Dares, nous présente la nomenclature des familles professionnelles (FAP).

A quoi servent les nomenclatures ?

Lorsque nous réalisons une étude, nous sommes amenés à présenter la réalité de manière synthétique. Nous effectuons donc souvent des regroupements d’individus, d’entreprises, etc. qui présentent des caractéristiques communes. Mais comment procéder pour effectuer les regroupements les plus pertinents pour l’analyse ?

" Les nomenclatures permettent de répartir en différentes catégories prédéfinies ce que nous allons étudier. "

Les nomenclatures apportent une solution : elles permettent de répartir en différentes catégories prédéfinies ce que nous allons étudier. Certaines nomenclatures sont pluridisciplinaires : je pense par exemple à la Nomenclature d’activités française qui est très largement utilisée et qui permet de répartir les entreprises et associations en fonction de leur activité principale. D’autres sont beaucoup plus spécifiques, liées à leur domaine : par exemple la nomenclature générale des actes professionnels qui permet de classer tous les actes pris en charge par l’Assurance maladie.

Pour produire des statistiques, nous avons besoin de rapprocher deux entreprises ou deux personnes ayant des points communs sans être tout à fait identiques. Par exemple, lorsque l’on s'intéresse à la taille des entreprises, traditionnellement on distingue les petites (10 à 49 salariés), les moyennes (50 à 249 salariés) et les grandes entreprises (+ 250 salariés). Pour autant, une entreprise de 250 salariés et une entreprise de 5 000 ne connaissent pas forcément la même réalité bien qu’elles soient dans la même catégorie.

Le choix de la nomenclature est donc fondamental puisqu’elle détermine en partie la grille d’analyse.

Donc si la Dares a lancé la nomenclature des familles professionnelles (FAP), c’est parce qu’il manquait un outil pour analyser les métiers ?

Absolument, il y avait un vrai manque. L’étude des métiers n’est pas nouvelle : les branches notamment ont toujours été très actives dans ce domaine - mais chacune des études produites regroupait à sa façon les métiers, en fonction de l’offre et de la demande d'emploi sur le territoire étudié. Les études ne pouvaient donc pas être comparées entre elles. 

L’organisme auquel la Dares a succédé a donc commencé, dans les années 80, à réfléchir en lien avec les statisticiens en région, à une nomenclature des métiers commune : l’objectif était d’améliorer la compréhension du marché du travail aussi bien avec des données locales que nationales.

C’est ainsi qu’est née en 1993 la première version nationale des familles professionnelles.

Cette nomenclature des familles professionnelles s’appuie sur deux autres nomenclatures qui existaient déjà… 

Effectivement, la nomenclature des familles professionnelles (FAP) est assez spécifique. 

D’un côté, il y a Pôle emploi, qui met en relation des personnes qui cherchent un travail avec des offres d’emploi disponibles. Il est plutôt dans une démarche opérationnelle et se base notamment sur la manière dont les employeurs décrivent leurs postes pour les mettre en relation avec des personnes en recherche d’emploi. C’est de cette façon qu’il a été développé le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (nomenclature Rome). La limite, c’est que certaines professions qui ne recrutent pas en passant par Pôle emploi (les artisans, le clergé, les politiques…) ne sont pas dans leur champ. Une autre limite c’est qu’elle ne permet pas de faire des analyses sociologiques : on ne peut pas regrouper, à partir du Rome, les ouvriers, les professions intérimaires ou les cadres, distinguer les fonctionnaires des autres, etc. 

De l’autre côté, il y a la nomenclature les Professions et catégories socioprofessionnelles (nomenclature PCS) proposée par l’Insee, qui collecte les professions déclarées directement par les personnes  : elle insiste sur la différenciation du statut socioprofessionnel (employé, technicien, cadre, etc.). 

La nomenclature des FAP propose un langage commun entre les deux. Concrètement, une famille professionnelle dans notre nomenclature est un regroupement de plus sieurs codes Rome et de plusieurs PCS.

Par exemple :

Cette nomenclature a permis de réaliser quelles analyses ?

Vous l’aurez compris, le gros point fort de cette nomenclature, c’est qu’elle fait le pont entre l’offre et la demande d’emploi, autrement dit entre le nombre de personnes qui exercent ou sont susceptibles d’exercer un métier et les besoins en personnel. Aussi, en utilisant diverses sources de données telles que l’enquête Emploi, les recensements ou encore les statistiques sur l’offre et la demande d’emploi, nous pouvons proposer des études très complètes.

Par exemple, il est possible de consulter les principales caractéristiques de chaque métier depuis 1982. Les portraits statistiques des métiers sont un outil précieux qui permet de tout savoir sur la dynamique et qualité de l'emploi, les caractéristiques des personnes en emploi, les caractéristiques des employeurs...

Plus récemment, la nomenclature des FAP a permis de systématiser l’étude des tensions sur le marché du travail et donc d'identifier quels sont les métiers qui rencontrent des problèmes de recrutements et pour quelles raisons.

Les travaux publiés permettent à la fois d’éclairer des choix individuels mais aussi de participer à la conception des politiques publiques. Il y a des métiers pour lesquels il va y avoir de nombreux départs en retraites, d’autres pour lesquels nous pourrions manquer de jeunes entrants sur le marché du travail, etc. 

Si le besoin initial est d’analyser les métiers… pourquoi parle-t-on de familles professionnelles et pas de métiers dans cette nomenclature ? 

Des appellations de métiers, il y en a énormément : plus de 11 000 d’après Pôle emploi. Nous avons deux impératifs : que les appellations restent claires pour les gens mais aussi que les groupes constitués soient homogènes et comportent assez d’individus pour pouvoir être analysés.

Prenons un exemple. Dans notre nomenclature, les marins, les pêcheurs et les aquaculteurs vont être rassemblés. Ces professions ne sont pas identiques mais les gestes effectués par les personnes qui les exercent sont assez proches. La catégorie reste donc assez homogène, elle a du sens. Sans ce rapprochement, il n’y aura pas assez d’individus dans chacune des catégories pour produire des données fiables. Par exemple, si la famille des enseignants regroupe 1 million d’individus, celles des marins, pêcheurs, aquaculteurs n’en compte que 24 000…

D’ailleurs c’est aussi pour cela que la nomenclature des FAP comporte plusieurs niveaux (22 domaines professionnels, 87 familles professionnelles agrégées, 225 familles professionnelles détaillées). Selon les sources de données utilisées et le nombre de personnes interrogées, nous n’avons pas toujours assez de détail pour proposer une analyse sur 225 familles professionnelles détaillées. On choisit donc le niveau de la nomenclature utilisé (225 métiers , 87 ou 22) en fonction des données disponibles. 

Depuis sa création, j’imagine que la nomenclature a évolué ?

Bien sûr ! Nous sommes actuellement dans une période de refonte de la nomenclature des familles professionnelles tout simplement parce que les technologies évoluent, les organisations du travail change et que les métiers ne sont pas figés dans le temps : certains apparaissent, d’autres disparaissent comme nous l’avons montré dans une étude sur les métiers du numérique.

Il y a déjà eu plusieurs révisions (2003, 2009) et une nouvelle est en cours d’élaboration.

Il s’agit également d'améliorer la compréhension par toutes et tous de la nomenclature. Par exemple, lors de la révision en cours, la famille « Médecins et assimilés » va devenir « Médecins, dentistes et pharmaciens » pour être plus explicite.