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Salaire minimum interprofessionnel de croissance - rapport 2010

Conformément à la loi du 3 décembre 2008, le nouveau groupe d’experts indépendants nommé en mai 2013 livre ici son analyse du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et son avis sur son évolution.

Dans notre pays et sans doute plus qu’ailleurs, la fixation du salaire minimum recouvre de multiples enjeux. Le SMIC joue un rôle clé dans le fonctionnement du marché du travail et la dynamique de l’emploi en tant qu’un des éléments constitutifs du coût du travail, notamment du travail peu qualifié. Il constitue aussi une référence pour l’évolution des salaires de nombreux travailleurs au bas de l’échelle à travers le jeu de la négociation salariale dans les branches et les entreprises.

La revalorisation du salaire minimum, qui s’inscrit dans le cadre des règles issues de la loi du 2 janvier 1970 et prend maintenant effet au 1er janvier de chaque année, doit tenir compte de ces multiples dimensions. Nos préconisations visent en permanence à  promouvoir à la fois le développement des perspectives d’emploi, le développement économique des entreprises et la protection du pouvoir d’achat des salariés concernés. 

La succession de fortes hausses du SMIC horaire entre 1995 et 2005 liées à des coups de pouce, à la réduction de la durée du travail ainsi qu’à la mécanique de convergence des minima salariaux, avait provoqué un tassement inédit de la distribution des salaires en bas de l’échelle. Une telle dynamique comporte des inconvénients majeurs. Elle limite les perspectives d’évolution salariale pour les travailleurs faiblement rémunérés tout en réduisant l’espace de la négociation collective.

Or la négociation salariale, tant au niveau des branches que des entreprises, joue un rôle essentiel pour assurer le bon déroulement de carrière des travailleurs et l’amélioration de leur pouvoir d’achat. Grâce notamment à l’engagement des pouvoirs publics, la  négociation salariale de branche est restée vigoureuse l’an passé et a permis le maintien d’un niveau élevé de conformité au SMIC des grilles conventionnelles. Il est essentiel de veiller à ce que ni la politique de revalorisation du SMIC, ni d’autres dispositions  relatives aux salaires ou à l’emploi ne viennent contrarier cet élan. Il convient au contraire de continuer à l’encourager. 

Dans ses rapports précédents, le Groupe d’experts avait relevé que le SMIC ne constituait pas un outil efficace de redistribution du revenu et de lutte contre la pauvreté. En effet, les hausses du salaire minimum, si elles peuvent améliorer la rémunération des personnes en emploi, ont surtout pour effet d’éloigner du marché du travail les plus fragiles, notamment les jeunes et les travailleurs peu ou pas qualifiés. 

Les nouvelles études présentées dans ce rapport montrent que les salariés au SMIC, notamment les jeunes, connaissent fréquemment au bout de quelques années une mobilité salariale ascendante. En revanche, ils sont en moyenne plus exposés au risque de chômage ou de sortie du marché du travail que les salariés mieux rémunérés. La question de l’accès et du maintien dans l’emploi, elle-même liée à celle du coût du travail, apparaît ainsi primordiale pour la protection du pouvoir d’achat des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles. 

L’insuffisance du nombre d’heures travaillées explique en effet une grande partie des disparités de revenu salarial et constitue un facteur de pauvreté pour les salariés au bas de l’échelle. Un peu plus de 20 % des salariés percevaient en 2007 un revenu salarial annuel inférieur au SMIC annuel en raison d’un faible volume de travail, les projetant ainsi que leur famille fréquemment dans une situation de pauvreté. De façon structurelle, il convient d’éviter des évolutions trop rapides du SMIC qui en faisant peser un risque important sur l’emploi, se retournent contre ceux que le salaire minimum doit protéger.

Mieux ciblées, les prestations liées au travail sont plus efficaces pour lutter contre la pauvreté au travail. La Prime pour l’emploi (PPE) et, surtout, le Revenu de solidarité active (RSA) ont, ces dernières années, fortement soutenu l’augmentation du revenu des salariés au SMIC sans peser sur le coût du travail et donc sur l’emploi. Ainsi, pour un couple avec deux enfants dont seul l’un des parents travaille au SMIC à temps complet, les transferts sous la forme de PPE puis de RSA ont représenté 72 % de la progression, hors  inflation, de leur revenu disponible entre 1999 et 2010. Cela correspond à des gains de pouvoir d’achat de 21 % sur la période, soit plus de 2 % par an. 

La politique d’allégements de charges visant à abaisser le coût du travail afin de développer l’emploi dans un contexte de SMIC élevé, constitue, au vu de l’ensemble des évaluations disponibles, la stratégie la plus efficace. Les effets bénéfiques en termes d’emploi sont incontestables : le consensus réalisé au sein du Conseil d’orientation pour l’emploi porte sur environ 800 000 emplois créés ou sauvegardés. Par ailleurs, l’existence d’un phénomène de trappes à bas salaires qui viendrait contrarier de manière  significative le déroulement de carrière des salariés, ne reçoit pas de validation empirique convaincante. Cette politique doit,
sans aucune ambigüité, être maintenue en liaison avec une gestion prudente du SMIC pour privilégier sa logique « offensive » par rapport à une logique « défensive ». En matière de finances publiques, il est utile de rappeler que, toutes choses égales par ailleurs, le coût des allégements généraux de cotisations diminue à mesure que la progression du SMIC ralentit par rapport à l’ensemble des salaires. 

En définitive et au regard des objectifs rappelés plus haut, la gestion du SMIC doit s’effectuer de manière prudente et articulée avec une politique ciblée de soutien au revenu des travailleurs pauvres et une politique stable et pérenne de maîtrise des coûts salariaux.
La crise économique et financière historique que notre pays vient de connaître n’invalide pas cette stratégie. Les mesures ciblées et temporaires de relance et de soutien à l’emploi ont contribué à limiter l’impact sur l’emploi et les salaires. Il conviendrait de ne pas
compromettre par une gestion inadaptée des politiques de salaire et de revenus, la reprise de l’emploi qui s’est amorcée au début de l’année ainsi que son développement à moyen terme. A la lumière du constat qui vient d’être établi, l’ensemble des membres du Groupe d’experts préconisent de limiter le prochain relèvement du SMIC qui doit prendre effet le 1er janvier 2011, à l’application des mécanismes automatiques légaux. 

La Dares est rapporteur du groupe de travail des experts SMIC.

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