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Pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins ?

Un état des lieux des mécanismes qui jouent au détriment de l’accès des moins qualifiés à la formation. Ces mécanismes sont multiples et varient selon l’environnement institutionnel propre à chaque catégorie considérée : salariés, demandeurs d’emploi, jeunes...

Article réalisé à la demande de l’Observatoire de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (Novembre 2005)

« La formation continue va aux formés ». C’est là un phénomène aujourd’hui bien connu. Que l’on considère la qualification du point de vue du capital scolaire ou de la position professionnelle occupée, le constat est invariable : le taux d’accès à la formation continue des moins qualifiés est près de trois à quatre fois moindre que celui des plus qualifiés. Les écarts se renforcent même lorsque l’on observe la durée des formations suivies. Ces écarts prévalent depuis le début des années 70 mais ils ont pris davantage d’acuité à partir du milieu des années 90 où, après une période de diffusion de la formation, l’accès à la formation s’est stabilisé et la durée a entamé une tendance à la baisse qui se poursuit encore aujourd’hui.

L’article dresse un état des lieux des mécanismes qui jouent au détriment de l’accès des moins qualifiés à la formation. Ces mécanismes sont multiples et varient selon l’environnement institutionnel propre à chaque catégorie considérée : salariés, demandeurs d’emploi, jeunes en cours d’insertion. Les réformes récentes en matière de formation professionnelle - l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004, ainsi que le développement de la validation des acquis de l’expérience - sont replacées dans ce contexte.

Le recours inégal à la formation est considéré par l’ensemble des observateurs comme un problème crucial : il interroge les efforts consentis par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années pour favoriser l’éducation permanente et, de la sorte, aider les individus à rattraper les qualifications qu’ils n’ont pas pu, pour diverses raisons, atteindre au cours de leur vie scolaire. Le chômage de masse a rendu cette situation d’autant plus injuste d’un point de vue social que la formation continue est considérée comme un moyen de prévention du chômage de longue durée et des situations de précarité longues, dont sont précisément victimes les moins qualifiés.

Les facteurs explicatifs du faible accès des moins qualifiés à la formation sont assez nombreux et n’induisent pas les mêmes solutions. Les deux premières parties de cet article se proposent de faire une synthèse des mécanismes supposés être à l’origine des écarts d’accès à la formation, notamment à la lumière de différents travaux de ces cinq dernières années, mais également à partir de travaux originaux (partie II). Nous avons pris le parti de distinguer deux types de publics : les salariés d’une part (partie I), les personnes sans emploi d’autre part (partie II), car les univers institutionnels qui gouvernent leurs chances d’accéder à la formation sont pour chacun d’entre eux spécifiques.

Enfin, depuis le début des années 2000, une série de profondes réformes a modifié le paysage institutionnel de la formation professionnelle en France. Nous nous attacherons surtout dans cette troisième partie à détailler la validation des acquis de l’expérience introduite par la loi de modernisation sociale, le Droit Individuel à la Formation et enfin la possibilité donnée aux entreprises et aux salariés d’organiser les formations en dehors du temps de travail, deux dispositions introduites par l’accord national interprofessionnel de septembre 2003 et reprises par la loi sur la formation professionnelle promulguée en mai 2004. L’objectif n’est pas de rentrer dans le détail de ces mesures mais de situer leur efficacité supposée au regard des mécanismes présentés dans les parties précédentes.