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Revue Travail et Emploi - Varia - N° 124 (2010)

Sommaire

Rompre avec les politiques néolibérales dans le domaine des relations industrielles. L’expérience de la Grande-Bretagne, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande

Peter Waring, John Lewer, John Burgess

L’élection entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000 de partis travaillistes en Australie, Nouvelle-Zélande et Grande-Bretagne, après des vagues de réformes libérales qui ont marginalisé les syndicats et remodelé les structures de la négociation sociale en faveur du capital, a apporté la promesse d’une intervention accrue de l’État et d’une plus grande équité dans les relations industrielles. En Australie, le gouvernement conservateur de John Howard, en place depuis onze ans, subit en novembre 2007 une défaite cuisante. La campagne avait été marquée par un débat intense sur la réforme des relations professionnelles, les Work Choices, intervenue en 2005. Les Work Choices ont produit les mêmes effets en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande, où les électeurs avaient en 1996 et 1999 largement voté contre la législation néolibérale en matière de relations industrielles. Ce rééquilibrage voulu entre valeurs d’équité et valeurs d’efficacité n’a cependant pas empêché ces pays de conserver une part importante de l’héritage néolibéral. Ceci met en lumière les difficultés qu’il y a à revenir en arrière sur des dispositions législatives et à reconstruire des institutions qui ont été démantelées, et dans le même temps, pour ces nouveaux gouvernements, à faire montre de pratiques de gestion économique fiables.

Mots clés : néolibéralisme, Australie, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, gouvernement conservateur, parti travailliste, Work Choices, réforme

Drawing Back from Neo-libéral Industrial Relations Change : the Experience of Britain, Australia and New Zealand

Peter Waring, John Lewer, John Burgess

After waves of conservative reform which commonly saw trade unions marginalised and bargaining structures remodelled generally in favour of capital, the election of social democratic labour parties in Australia, New Zealand and Britain brought the promise of increased state intervention and the promotion of greater equity considerations in industrial relations. In Australia, the conservative Howard government of eleven years was decisively defeated in November 2007 by the Australian Labor Party after an election campaign dominated by an intense debate over the 2005 “Work Choices” industrial relations reforms. The fate of “Work Choices” followed similar electoral outcomes in Britain and New Zealand in which neo-liberal industrial relations legislation was largely dismissed by voters. Despite the renewed interest in re-balancing equity and efficiency objectives with the election of these new governments, in each of these countries however significant elements of the neo-liberal legacy have been retained. This highlights the difficulties involved in reversing legislation and rebuilding the institutions which have been dismantled and, at the same time, the need for the new governments to demonstrate sound economic management credentials.

Keywords : industrial relations, neo-liberal, Britain, Australia, New Zeland

JEL classification : J 5, K 31, P 16

Propriété immobilière et trajectoires salariales en France

Carole Brunet, Nathalie Havet, Jean-Yves Lesueur

L’étude empirique proposée dans cet article s’inscrit dans la lignée des travaux portant sur les effets des choix résidentiels sur la qualité de l’insertion professionnelle sur le marché du travail. Elle se concentre sur la population en emploi et cherche à déterminer l’influence, a priori ambiguë, du statut résidentiel sur les salaires individuels. D’une part, la propriété immobilière peut, en réduisant la mobilité et la taille du bassin de nouveaux emplois envisageables, diminuer les opportunités d’accroître son salaire ; d’autre part, les propriétaires peuvent faire jouer des réseaux sociaux plus importants et faire valoir une plus grande stabilité professionnelle auprès de leurs employeurs, ce qui est bénéfique pour une promotion salariale interne éventuellement assortie du financement d’une formation interne. Les résultats obtenus à partir de la partie française du Panel Européen des ménages 1995-2001 montrent que les propriétaires bénéficient, toutes choses égales par ailleurs, d’une prime salariale en France par rapport aux locataires. Ces résultats remettent en cause l’hypothèse d’Oswald selon laquelle la propriété immobilière serait néfaste aux performances sur le marché du travail.

Mots clés : propriété immobilière, performance, marché du travail, salaires, trajectoire, France

Homeownership and Wage Trajectories in France

Carole Brunet, Nathalie Havet, Jean-Yves Lesueur

Our empirical study stems from previous research on the effects of residential status on the quality of the labour market insertion. It specifically focuses on employees and assesses the a priori ambiguous impact of homeownership on wages. On the one hand, homeownership might reduce wage increase opportunities, by restricting the mobility and the scope of acceptable job offers ; on the other hand, homeowners might benefit from extended social networks and from a greater professional stability, which is favourable to wage promotion prospects, possibly with firm-financed internal training. The analysis is based upon the French data set of the 1995-2001 European Community Household Panel. The results show that, other things being equal, homeowners receive higher wage in France. These findings contradict the Oswald’s hypothesis, according to which homeownership would harm the labour market outcomes.

Keywords : homeownership, wages, performances, labor market, France

JEL classification : J31, J24, R21

L’entreprise de presse en conflit. Libération et Le Monde en restructuration

Camille Dupuy

Cet article étudie les restructurations intervenues dans deux entreprises de presse quotidienne nationale, Libération et Le Monde, pour tenter de comprendre les dynamiques de mobilisation des salariés à un moment de conflit autour de l’emploi. Ces deux entreprises fonctionnent dans des cadres institutionnels atypiques (salariés actionnaires, clause de conscience, carte de presse) qui confèrent aux salariés un engagement double, à la fois professionnel et moral. Lors de la discussion du plan de sauvegarde de l’emploi vont se poser des questions autour de la définition du produit et des valeurs d’entreprises (actionnariat, frontières de l’entreprise, nouvelle formule rédactionnelle) au-delà des négociations classiques en termes de maintien des postes dans l’entreprise (autour du volontariat). Le droit est ainsi mobilisé par les salariés de manière à satisfaire leur éthique professionnelle (indépendance, qualité, démocratie, etc.). Et l’action des salariés semble faire passer la gestion de ce moment économique d’une rationalité en finalité à une rationalité en valeur.

Mots clés : entreprise de presse, journalistes, restructuration, institutions, relations professionnelles

Conflict in press firms

Camille Dupuy

By the analysis of restructuring in two firms of daily French press (Libération and Le Monde), we want to understand the dynamics of mobilization of employees in response to employment dispute. Both companies are based on atypical institutional frameworks (employees are shareholders, conscience clause, press card). The commitment of employees in these firms is both professional and moral. During the negotiation of the restructuring process, some questions are raised about the definition of the product and the values of the companies (shareholders, corporate boundaries, new editorial formula). These kinds of questions are beyond classical negotiations regarding employment (around volunteerism). The law is mobilized by employees to satisfy their professional ethics (independence, quality, democracy…). The action of employees transforms the management of this plan from an economic rationality to rationality in value.

Keywords : press firms, journalists, restructuring, institutions, industrial relations

JEL classification : L 82, G 34, J 53

Trouver ou créer son emploi : compter sur soi, sur autrui ou sur les institutions ?

Guillemette de Larquier, Géraldine Rieucau

Exploitant deux enquêtes de l’INSEE (2006), l’enquête Emploi et l’enquête Système d’information sur les nouvelles entreprises, l’article met en évidence la proximité existant entre les appuis à l’obtention d’un emploi et à la création d’entreprise. L’hypothèse défendue est que chaque type d’appui (compter sur soi, sur ses réseaux de relations ou sur une institution dédiée) correspond à une façon particulière d’évaluer les personnes et les projets. De fait, les institutions dédiées mènent une évaluation normalisée et accompagnent les chômeurs vers l’emploi. Les réseaux, en privilégiant des repères personnalisés, permettent aux étrangers et aux personnes peu diplômés d’accéder à un emploi. Et les démarches individuelles privilégient les signaux visibles et concernent plutôt des hommes, des personnes diplômées ou expérimentées. Les analyses montrent in fine que le recours à tel ou tel appui dépend moins du statut de l’emploi que du profil socio-économique des individus.

Mots-clés : registres d’évaluation, médiations sur le marché du travail, créations d’entreprise

To get a job or to create a business with the help of social networks, institutions or by oneself

Guillemette de Larquier, Géraldine Rieucau

Using two surveys from INSEE (2006), the Employment Survey and the Survey SINE (Information System on the New Enterprises), the article highlights the similarity between the supports to get a job and the supports of business creation. The assumption is that each type of support (self-reliance, network connections or dedicated institutions) corresponds to a specific way of evaluating people and projects. Dedicated institutions conduct a standard assessment and advise the unemployed ; networks, relying on personalized marks, allow foreign and low qualified people to access to employment. To get a job or to create a business without any support rely on general signals, and rather favours men, graduates or experienced people. The employment status (independent or dependent) doesn’t explain the use of a particular support, but the socio-economic profile of individuals does.

Keywords : unemployment, job seeking, business creation, self reliance, network, institution

JEL classification : J 23, J 63, J 68

Un travail qui ne compte pas ? La valorisation monétaire du bénévolat associatif

Édith Archambault, Lionel Prouteau

Le bénévolat est d’abord appréhendé comme un don de temps, or ce qui relève du don fait rarement bon ménage avec le calcul économique. Pourtant, le travail bénévole est aussi une importante ressource productive, qui compte pour les associations. Cet article se propose d’en déterminer la valeur monétaire. Dans un premier temps, sont examinées les difficultés que rencontre un tel exercice. Elles procèdent notamment du manque de régularité et de l’hétérogénéité des enquêtes réalisées sur le bénévolat. Elles tiennent aussi à la diversité des méthodes envisageables pour affecter une valeur monétaire à des activités qui, par définition, ne s’inscrivent pas dans cette métrique. Ces difficultés ne sont pourtant pas rédhibitoires dès lors que les statisticiens s’accordent sur des conventions partagées. Dans un second temps, l’article procède à une valorisation monétaire du bénévolat associatif français, à partir d’une enquête conduite auprès des associations par une équipe de recherche du Centre d’économie de la Sorbonne. Les estimations obtenues font apparaître que ce travail bénévole représente de 1 % à près de 2 % du PIB selon la méthode retenue, soit de 50 % environ à 80 % des salaires bruts versés par les associations à leurs salariés et, en tout état de cause, bien plus que les dons monétaires.

Mots clés : bénévolat, association, valorisation monétaire, ressource productive

Association volunteering and money value : is this activity extraneous to any type of measurement ?

Édith Archambault, Lionel Prouteau

Volunteering is considered first as a gift of time but the world of the gift does not generally fit into the framework of the economic calculation. Yet, volunteer work represents an important productive resource which is taken into account by voluntary associations and nonprofit institutions. This paper intends to estimate its money value. First, the difficulties raised by such an exercise are examined. They result from the lack of regularity and from the heterogeneity of surveys on volunteering. These difficulties also originate in the conceivable methods for attributing a money value to activities which, by nature, are extraneous to this type of measurement. These difficulties are not insurmountable provided statisticians agree about shared conventions. Secondly, the paper gives a money value to French association volunteering, drawing on an association survey carried out by a research team from the Sorbonne Economics Centre. Results show that voluntary work accounts for from 1 % to 2 % of GDP according to the method chosen for this exercise of valuation. This amount represents about from 50 % to 80 % of the wages paid to the employees of associations and, in any case, it greatly outweighs the donations of money.

Keywords : volunteering, association, measurement, economic calculation JEL classification : L 31, C 63, J 32

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