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Salaire minimum interprofessionnel de croissance - rapport 2020

Conformément à la loi du 3 décembre 2008, le nouveau groupe d’experts indépendants nommé en mai 2013 livre ici son analyse du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et son avis sur son évolution.
  • Deux objectifs guident les travaux et les propositions du Groupe d’experts : augmenter l’emploi et réduire le chômage, de
    façon durable et soutenable, et lutter contre la pauvreté. 
  • En 2020, la croissance s’effondre à la suite de la crise sanitaire. Avec une baisse prévisible du PIB d’environ 10 % en 2020, cette crise constitue un choc économique sans précédent en période de paix pour l’économie française et mondiale. Le revenu des ménages et l’appareil productif ont été largement préservés grâce aux mesures de soutien déployées par le gouvernement. Mais le premier semestre est marqué par une chute historique de l’emploi et, si les créations d’emplois ont été fortes au 3eme trimestre, la situation reste incertaine. La situation financière des entreprises a été fortement dégradée par la crise, malgré le soutien de dispositifs massifs comme les prêts garantis par l’Etat. La survie de nombreuses entreprises est menacée, avec de possibles fortes conséquences sur  l’emploi. 
  • Les salariés rémunérés au voisinage du SMIC apparaissent à la fois plus exposés au risque de chômage (étant davantage employés en CDD courts ou en intérim) et surreprésentés dans les métiers qui ont poursuivi leur activité durant le confinement. Ils ont aussi  été plus souvent en activité partielle que l’ensemble des salariés. Ils ont bénéficié d’un ajustement spécifique du dispositif d’Activité  Partielle qui a permis de maintenir l’intégralité de leur pouvoir d’achat.
  • En 2019, la France était le pays de l’OCDE où le revenu net au niveau du salaire minimum était le plus proche du salaire médian alors que le coût du travail au niveau du salaire minimum, comparé à celui du salaire médian, se situait dans la moyenne des pays de l’OCDE. Cette combinaison s’explique à la fois par les baisses ciblées de contributions sociales employeurs et par les dispositifs de soutien des bas revenus. Le rapport rappelle que les contributions sociales patronales au niveau du SMIC se limitant désormais à la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles, les politiques de soutien à l’emploi non qualifié devront dans le futur trouver d’autres voies que les baisses ciblées de contributions sociales. Les politiques de soutien aux bas revenus ont atteint également leurs limites en 2019 dans la mesure où la mobilité dans le bas de la hiérarchie des salaires a perdu de son rendement.
  •  Le Groupe d’experts recommande de s’abstenir de tout coup de pouce sur le SMIC au premier janvier 2021. Le SMIC évoluerait ainsi selon les seuls mécanismes de revalorisation automatique, ce qui permettrait, selon les estimations disponibles lors de la rédaction de ces lignes, un gain de pouvoir d’achat. Cette recommandation s’appuie sur des raisons structurelles auxquelles s’ajoutent les effets de la crise due à la COVID-19. Tout d’abord, la situation de l’économie française avant cette crise demeurait fragile. Malgré des progrès, elle se caractérisait encore par un chômage important, une compétitivité faible et une situation  financière des entreprises dégradée, avec toutefois une amélioration transitoire en 2019 liée à la transformation du CICE. Dans cette configuration, une hausse du SMIC au-delà des mécanismes de revalorisation automatique risquerait d’être préjudiciable à l’emploi des personnes les plus vulnérables, d’autant qu’elle ne pourrait plus être compensée par une baisse des contributions sociales employeurs. Par ailleurs, les rapports précédents du Groupe d’experts ont abondamment documenté qu’en France le salaire minimum s’avère un outil inadapté pour réduire la pauvreté laborieuse, laquelle résulte principalement d’un trop faible nombre d’heures travaillées. Enfin, la situation de l’économie française a été bouleversée par la crise de la COVID-19, et les nouvelles configurations provoquées par ce bouleversement ne plaident pas non plus pour un coup de pouce sur le SMIC. L’état du marché du travail et la situation financière de la plupart des entreprises se sont considérablement dégradés et une incertitude majeure pèse sur l’éventualité d’une reprise rapide. Cette situation renforce la priorité à accorder à l’emploi et à l’emploi à temps plein et non aux gains de pouvoir d’achat dont l’évolution par secteur et métier doit davantage relever de la négociation collective portée par les partenaires sociaux.
  • A l’instar des années précédentes, le Groupe d’Experts rappelle sa suggestion de modifier la formule de revalorisation du SMIC, consistant à supprimer tout ou une partie des termes de revalorisation automatique (l’inflation et la moitié du pouvoir d’achat du SHBOE). Cet abandon donnerait une responsabilité accrue aux pouvoirs publics qui pourraient ainsi mieux articuler les  évolutions du SMIC avec les évolutions du marché du travail et avec les dispositifs de lutte contre la pauvreté laborieuse, en particulier dans le contexte de la réflexion sur une unification des minimas sociaux. Ce changement permettrait également de renforcer le rôle de la négociation collective dans la définition des normes salariales et des minima de branche, dans le contexte de restructuration de ces dernières. En revanche, le Groupe d’experts ne recommande pas une régionalisation du salaire minimum ou une modulation selon l’âge. Il rappelle sa préconisation de se pencher sur la question d’une rémunération minimale pour certains indépendants très  subordonnés économiquement, en particulier les « travailleurs de plateformes ». Enfin, il recommande l’attribution d’un budget au groupe d’experts pour engager des évaluations indépendantes.
  •  L’année 2020 est celle de l’anniversaire des 50 ans de la création du SMIC. L’analyse rétrospective faite à cette occasion aboutit à trois rappels. Tout d’abord, le remplacement du SMIG par le SMIC en 1970 répondait à des enjeux de modernisation économique. Ensuite, les inégalités salariales depuis la création du SMIC ont augmenté entre le milieu des années 1970 et celui des années 1990, essentiellement à la faveur du développement du travail à temps partiel et des formes « atypiques » d’emploi supportés  principalement par les femmes et les jeunes. Les inégalités de salaires journaliers au bas de la distribution sont par contre demeurées assez stables, sans doute en lien avec la création du SMIC et ses revalorisations. Enfin, quatre tendances caractérisent l’évolution du profil des salariés au SMIC : si la part des bacheliers croît, la proportion n’ayant aucun diplôme se maintient autour de 24 %, alors qu’elle a été divisée par trois dans l’ensemble de la population active ; la proportion d’employés augmente aux dépens des ouvriers ; la surreprésentation des femmes persiste ; l’âge moyen des salariés à bas salaire reste moins élevé que parmi l’ensemble des salariés à temps plein.

La Dares est rapporteur du groupe de travail des experts SMIC.

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