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Quelle contrepartie salariale pour le travail le soir, la nuit ou le week-end ?

Pour un salarié à temps complet, travailler la nuit a pour contrepartie un salaire mensuel net plus important que pour un salarié de profil similaire ne pratiquant pas cet horaire.

Ce surplus est plus important pour les ouvriers et les employés, qui travaillent plus fréquemment la nuit. Le travail le soir ou le dimanche procure également une compensation salariale. Seul le travail le samedi n’entraîne pas d’avantage financier. Ces différences de contreparties salariales font écho au cadre juridique régissant le travail en horaires décalés.

Le travail de nuit, le plus rémunérateur pour les ouvriers et les employés

En moyenne entre 2019 et 2021, les ouvriers à temps complet qui accomplissent plus de la moitié de leurs heures de travail la nuit (entre minuit et 5 heures) sur une période de quatre semaines (encadré 1) perçoivent, à autres caractéristiques comparables (sexe, âge, etc.), un salaire mensuel net supérieur de 6,8 % à celui des ouvriers à temps complet ne travaillant pas la nuit (tableau 1 et tableau complémentaire). L’avantage est un peu plus faible pour ceux qui travaillent moins de la moitié de leurs heures durant la nuit (+2,6 %). Pour les employés, travailler la nuit procure un gain salarial net de 5,2 %, quel que soit l’horaire effectué. Les professions intermédiaires gagnent également à travailler la nuit mais relativement moins que les employés : +3,7 % en travaillant plus de la moitié de leurs heures durant la nuit, +2,7 % dans le cas contraire. Ces compensations font écho aux dispositions légales (encadré 2) ainsi qu’aux accords négociés (éclairage).

Le travail dominical, plus avantageux que celui du soir pour les professions intermédiaires

Travailler au moins un dimanche sur une période de quatre semaines procure une compensation salariale mensuelle nette significative, qui est, toutes choses égales par ailleurs, de 10,6 % pour les cadres. Pour les ouvriers, travailler au moins deux dimanches correspond à un bonus de 6,1 %. Il est du même ordre que celui procuré par le travail de nuit intensif, et plus élevé que celui du travail un seul dimanche (+5,4 %). Pour les employés, travailler le dimanche rapporte presque autant que travailler la nuit (+4,9 % pour au moins deux dimanches, +4,6 % pour un seul). À l’inverse, pour les professions intermédiaires, le travail dominical est plus avantageux que le travail de nuit (+4,6 % pour au moins deux dimanches, +4,2 % pour un seul), mais cet avantage reste légèrement inférieur à celui perçu par les ouvriers et les employés.

Le travail le soir, avantage plus important pour les cadres

À caractéristiques équivalentes, les salariés qui effectuent une partie de leurs heures de travail le soir (entre 20 heures et minuit) sur une période de quatre semaines ont également un salaire mensuel plus élevé que ceux qui ne le font pas, mais ces surplus sont inférieurs à ceux associés au travail la nuit et le dimanche. Les cadres bénéficient de l’avantage le plus important à travailler le soir (+5,9 %), devant les employés (+4,6 %), les ouvriers (+4,3 %) et les professions intermédiaires (+2,5 %).

Des salaires apparemment plus faibles pour les employés travaillant le samedi

Seul le travail le samedi n’apporte pas, en moyenne, de compensation salariale. Les cadres et les employés qui travaillent au moins un samedi sur une période de quatre semaines, perçoivent même moins que ceux qui ne le font pas, à caractéristiques équivalentes (sexe, âge, etc.). D'autres paramètres, non mesurables dans l'enquête, telle l’inégale capacité à négocier les horaires de travail, peuvent expliquer ce constat.

TABLEAU 1 | Écart de salaire mensuel selon les horaires atypiques effectués et la catégorie socioprofessionnelle

  Cadres Professions
intermédiaires
Employés Ouvriers

Travail de nuit

Plus de la moitié
des heures
n.s (1) 3,7*** 5,2*** 6,8***
Moins de la moitié
des heures
2,7*** 5,2*** 2,6***
Travail le dimanche Au moins 2 dimanches 10,6 ***(1) 4,6*** 4,9*** 6,1***
1 seul dimanche 4,2*** 4,6*** 5,4***
Travail le soir   5,9*** 2,5*** 4,6*** 4,3***
Travail le samedi   -2,6** n.s. -2,9*** n.s

Les avantages financiers liés au travail le soir, la nuit et le dimanche (le travail le samedi n’est pas concerné selon les dispositions légales) peuvent être négociés via des accords d’entreprise. Le nombre d'accords qui abordent le travail de nuit (qui comprend le travail le soir) et du dimanche augmente de manière continue entre 2014 et 2019 (tableau 2), notamment suite à la loi du 6 août 2015, qui autorise certains commerces situés dans des zones touristiques ou commerciales à ouvrir plus souvent le dimanche. Le nombre de nouveaux accords recule en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire. En 2021, il retrouve son niveau de 2019.

TABLEAU 2 | Accords et avenants portant sur le temps de travail signés depuis 2014

  2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Temps de travail   9 896 10 239 11 289 12 199 14 728 16 510 20 451 19 386
dont le dimanche 340 425 548 723 775 796 666 778
en % 3,4 4,2 4,9 5,9 5,3 4,8 3,3 4,0
dont travail de nuit 391 555 616 693 878 1 018 881 1 064
en % 4,0 5,4 5,5 5,7 6,0 6,2 4,3 5,5

Lecture : en 2021, 19 386 accords collectifs sont signés sur le thème du temps de travail. 778 abordent le travail du dimanche ce qui représente 4,0 % des accords temps de travail et 1 064 abordent le travail de nuit.
Champ : France (hors Mayotte).
Source : Dares, base statistique des accords.

Sources

Les données mobilisées sont principalement issues de l’enquête Emploi de l’Insee. Cette enquête décrit la situation des personnes 
sur le marché du travail (actifs occupés, chômeurs, inactifs), le temps  de travail et son organisation pour les actifs occupés.  L’utilisation de trois millésimes, de 2019 à 2021, permet d’augmenter le nombre  d'observations, et ainsi améliorer la précision  statistique des résultats. La base statistique des accords d’entreprise est également exploitée, de manière complémentaire.

Définitions

Les horaires atypiques mesurés dans l’enquête Emploi concernent les personnes déclarant avoir travaillé le samedi, le dimanche, le 
soir (de 20 h 00 à minuit) ou la nuit (de minuit à 5 h 00), au moins une fois au cours des quatre semaines précédant l’interrogation.

Salaire : dans l’enquête Emploi, les personnes déclarent leur rémunération mensuelle nette en euros retirée de leur profession  principale, primes comprises.

Méthode

Pour mesurer l’effet des horaires atypiques sur le salaire, ce n’est pas la moyenne « brute » qui est utilisée, car les effets de structure  peuvent être importants. Par exemple, les hommes, qui ont en moyenne un salaire plus élevé que les femmes, travaillent plus souvent la nuit.

Pour estimer l’effet propre de chaque horaire atypique sur le salaire, on régresse le logarithme du salaire mensuel net déclaré dans l’Enquête emploi sur la pratique des horaires atypiques et une liste  de variables explicatives du salaire disponibles dans l’enquête. Le champ retenu est celui des salariés travaillant à temps complet et ne travaillant pas à domicile une partie de leur temps, qui sont 40 % en moyenne entre 2019 et 2021 à travailler en horaire atypique (entre 28 % pour les cadres et 53 % pour les employés).

L’effet des horaires atypiques sur le salaire n’étant pas le même selon leur catégorie socioprofessionnelle, une régression est réalisée  pour chaque catégorie principale.

Travail de nuit

Selon le code du travail, le travail de nuit s’étend de 21 h 00 à 6 h 00 (ou suivant une période fixée par accord) depuis la loi du 9 mai 2001, contre 22 h 00 à 5 h 00 antérieurement.

De plus, la loi définit le travailleur de nuit comme celui qui accomplit une fraction de son temps de travail entre 21 h 00 et 6 h 00, soit au moins 3 heures deux fois par semaine, soit au moins 270 heures sur douze mois consécutifs. Depuis la loi du 6 août 2015, si un salarié qui effectue des heures de nuit travaille aussi des heures dites en soirée, toutes ces heures atypiques sont cumulées pour déterminer s’il peut être considéré comme un travailleur de nuit. Il peut ainsi bénéficier d’un avantage salarial et d’un repos compensateur.

Juridiquement, les plages horaires du travail de nuit diffèrent de celles appréhendées dans l’enquête Emploi, qui correspondent à la plage minuit-5 heures.

Travail en soirée

Dans le cadre de la loi du 6 août 2015, les établissements de vente de détail situés dans les zones touristiques internationales (ZTI)(1) peuvent employer des salariés en soirée, c’est-à-dire entre 21 h 00 et minuit, sous réserve de la conclusion d’un accord collectif. Les heures effectuées durant cette tranche sont rémunérées le double des heures habituelles ; elles donnent lieu à un repos compensateur d’une durée équivalente, ainsi qu’à d’autres compensations prévues par l’accord (retour à domicile, garde des enfants…). Dans les établissements qui pratiquent le travail en soirée, le début de la période de travail de nuit est fixé au-delà de 22 h 00 et s’achève à 7 h 00.

Travail le dimanche

Comme le travail de nuit, le travail le dimanche fait l’objet de dérogations permanentes (2) et temporaires. Depuis 2005, les domaines de la dérogation permanente se sont étendus aux centres d’appel de renseignements et aux dépannages « hot line » (décret n° 2005-906 du 2 août 2005), aux commerces de jardinerie, aux établissements de commerce de détail d’ameublement (article 11 de la loi du 3 janvier 2008) et de bricolage (décret n° 2014-302 du 7 mars 2014), sans compter la latitude accordée au préfet de classer une commune ou une zone d’intérêt touristique ou d’affluence exceptionnelle, et les douze « dimanches du maire » (5 avant 2016), durant lesquels les commerces de détail sont autorisés à ouvrir.

La loi n° 2009-974 du 10 août 2009 introduit la notion de « périmètre d’usage de consommation exceptionnel » (Puce) dans les unités urbaines de plus d’1 million d’habitants, périmètre pour lequel des demandes de travail dominical peuvent être introduites et accordées aux commerces par le préfet pour une durée de cinq ans.

Dans le cadre de la loi du 6 août 2015 (3) , les conditions de recours au travail le dimanche sont modifiées dans le commerce. La loi prévoit une autorisation du maire pour les établissements de commerce de détail à ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, à compter du 1er janvier 2016 (contre cinq dimanches auparavant ; en 2015, ce nombre avait été fixé transitoirement à neuf), et une nouvelle définition des zones sur lesquelles les dérogations peuvent être accordées : zones touristiques (ZT), zones touristiques internationales (ZTI) et zones commerciales (ZC). Le volontariat des salariés dominicaux est désormais requis, ce qui n’était pas le cas auparavant pour les dimanches du maire. En outre, le travail dominical n’est possible qu’avec des contreparties pour les salariés en termes de rémunération ou de repos. Il est soumis à l’existence d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de branche. Dans les entreprises à partir de 11 salariés, à défaut d’accord collectif, l’employeur est autorisé à appliquer une décision unilatérale après approbation de la majorité des salariés. Accords et décisions doivent mentionner les compensations (salariales, financières, de repos) et les garanties (changement d’avis du salarié par exemple) [1].

Avec les changements du cadre légal, le travail le dimanche et le travail le soir évoluent très peu. En France (hors Mayotte), en 2015, 18,5 % des salariés travaillent le dimanche et 23,1 % le soir. En 2016, ils sont respectivement 18,9 % et 23,9 % et, en 2017, 19,2 % et 23,3 %.

  • (1)Les zones touristiques internationales (ZTI) sont des zones caractérisées par une affluence exceptionnelle de touristes étrangers et l’importance de leurs achats.
  • (2)Article R.3132-5 du code du travail.
  • (3)Loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.