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Les expositions des salariés aux produits chimiques cancérogènes

Sommaire
En moyenne en 2017, 11 % des salariés, soit 2,7 millions de personnes, sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène.

Les cancérogènes les plus courants sont les gaz d’échappement diesel, les fumées de soudage, les huiles minérales entières, les poussières de bois et la silice cristalline. Les expositions à ces produits cancérogènes s’avèrent plus répandues chez les hommes, les jeunes, les ouvriers, les salariés du secteur de la construction et ceux des établissements de petite taille.

L’exposition à au moins un produit chimique concerne 32 % de l’ensemble des salariés suivis par les médecins du travail et de prévention en France (graphique 1), soit 8 millions de salariés. Ces estimations résultent de l’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) de 2017, qui recense les expositions des salariés à 94 produits chimiques au cours de la dernière semaine travaillée (encadré 1). Pour chaque salarié enquêté, le médecin du travail repère, au cours de la dernière semaine travaillée, les expositions directes à certains produits comme l’amiante, les expositions aux produits générés par le processus de travail comme les fumées dégagées par la métallurgie, et les expositions indirectes liées aux pollutions dans l’environnement proche du poste de travail.

Un salarié sur dix exposé à au moins un produit chimique cancérogène

En moyenne en 2017, 2 730 000 salariés, soit 11 % d’entre eux, sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène au cours de la dernière semaine travaillée (graphique 1). Cela correspond à 4 500 000 situations d’expositions, du fait de la multi-exposition d’une partie de ces salariés (tableau 1).

Parmi ces 94 produits chimiques, 28 sont classés cancérogènes avérés ou probables par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et/ou par l’Union européenne (encadré 2). Les cinq produits chimiques cancérogènes auxquels les salariés sont les plus exposés en 2017 sont, par ordre décroissant, les gaz d’échappement diesel, les fumées de soudage, les huiles minérales entières, les poussières de bois et la silice cristalline (tableau A).

L’enquête Sumer montre également que les expositions aux gaz d’échappement diesel touchent le plus grand nombre de salariés, que celles à la silice cristalline et à l’amiante sont parmi les plus dangereuses, et que l’exposition au formaldéhyde est présente dans de nombreux secteurs (voir Éclairage).

Graphique 1 | Effectifs et pourcentages de salariés exposés au risque chimique au cours de la dernière semaine travaillée en 2017 (En %)

 

 

Des expositions plus fréquentes pour les ouvriers et dans la construction

Les ouvriers représentent plus des deux tiers des salariés exposés à au moins un agent cancérogène chimique, alors qu’ils ne constituent que 29 % de l’ensemble des salariés (tableau 2). Les ouvriers qualifiés sont davantage exposés que les non qualifiés (35 % contre 17 %). Parmi les quatre grands secteurs d’activité, celui de la construction est le plus concerné, avec 36 % de ses salariés exposés, suivi de l’industrie (18 %), de l’agriculture (12 %) puis du tertiaire (8 %).

Tableau 1 | Fréquence d’exposition en 2017 selon la liste retenue

   Salariés exposés à au moins un produit chimique cancérogène Situations d’expositions à un produit chimique cancérogène
   Nombre En % Nombre
Substances classées par le CIRC en groupe 1 et 2A 2 688 400 11 4 454 700
Substances classées par l’Union européenne en catégorie 1A et 1B 756 500 3 1 970 000
Combinaison des deux listes retenues 2 733 300 11 4 499 600

Lecture : en 2017, 2 733 300 salariés sont exposés à au moins un produit chimique cancérogènes classés par la CRIC en groupe 1 et 2A ou par l'Union Européenne en catégorie 1A et 1B (soit 11% d'entre eux) ; cela représente 4 499 600 situations d'expositions.
Champ : ensemble des salariés ; France hors Mayotte.
Source : DGT-Dares, enquête Sumer 2017.

Les hommes et les jeunes davantage exposés

Neuf salariés sur dix exposés à au moins un agent chimique cancérogène sont des hommes ; 19 % d’entre eux sont concernés par ce risque, contre 3 % des femmes salariées. La part de salariés exposés décroît avec l’âge : elle est supérieure ou égale à 12 % pour les moins de 39 ans, alors qu’elle est de 8 % pour ceux de 60 ans ou plus. Les intérimaires et les agents à statuts (Sncf, industries électriques et gazières, etc.) sont particulièrement touchés (respectivement 20 % et 17 %) ; viennent ensuite les apprentis et stagiaires (13 %), qui sont davantage concernés que les salariés en contrat à durée indéterminée (11 %). Apprentis et intérimaires sont essentiellement des jeunes ouvriers, travaillant dans les secteurs les plus exposants et les activités qui leur sont confiées présentent souvent des risques.

Les salariés des très petits établissements davantage concernés

Les salariés des petits établissements (moins de 10 salariés) sont plus fréquemment exposés à au moins un produit chimique  cancérogène (13 %, contre 9 % dans les établissements de 200 à 499 salariés). Les politiques formalisées de prévention y sont moins développées que dans les grands établissements.

Tableau 2 | Profil des salariés exposés en 2017 aux agents chimiques cancérogènes lors de la dernière semaine travaillée

  Effectifs En %
Ensemble 2 733 300 11,0
Catégorie socio-professionnelle    
Cadres et professions intellectuelles supérieures 118 200  2,8
Professions intermédiaires 366 000  7,3
Employés administratifs (public/privé) 33 100  1,0
Employés de commerce et de service 295 300  5,3
Ouvriers qualifiés 1 552 800  34,8
Ouvriers non qualifiés/agricoles 367 900 16,7
Sexe    
Hommes 2 362 600 18,9
Femmes 370 700 3,0
Statut*    
Apprenti, stagiaire 47 800 13,4
Intérimaire 133 000 19,8
CDD 132 100 7,8
CDI 1 866 400 10,6
Agent à statut 78 600 17,1
Fonctionnaire 472 000 11,8
Taille d'établissement*    
1 à 9 salariés 833 400 13,4
10 à 49 salariés 765 200 12,7
50 à 199 salariés 496 000 8,1
200 à 499 salariés 171 200 8,6
500 salariés ou plus 465 100 10,5
Secteur d'activité    
Agriculture 37 600 11,9
Industrie 582 600 18,3
Construction 493 300 35,7
Tertiaire 1 619 800 8,1

* En raison de la non-réponse, la somme des modalités diffère du total.
Lecture : en 2017, 35 % des ouvriers qualifiés sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène lors de la dernière semaine travaillée.
Champ : ensemble des salariés ; France hors Mayotte.
Source : DGT-Dares, enquête Sumer 2017.

Dans 56 % des situations d’exposition qui concernent des établissements de moins de 10 salariés, il n’y a pas de protection collective mise à disposition, contre 48 % pour l’ensemble des établissements (graphique A).

Pour en savoir plus

[1] Laffon D., Pillière F., Campo P., Meyer J.P. (2012), « Risques liés aux multiexpositions », Références en Santé Travail INRS, n° 131, septembre.
[2] Fréry N., Moisan F., Schwaab Y., Garnier R. (2017), « Expositions des salariés à de multiples nuisances cancérogènes en 2010 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) 13, juin.
[3] CIRC, coll. Monographies du CIRC sur l’évaluation des risques de cancérogénicité pour l’homme.
[4] Havet N., Penot A., Morelle M., Perrier L., Fervers B. (2014), « Inégalités d’exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) en milieu professionnel en France », Working Paper du GATE Lyon Saint-Etienne, n°37, décembre.

 

 

 

L’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer), élaborée par le Ministère chargé du travail (Dares-DGT) en partenariat avec la DGAFP (Ministère de la Fonction Publique), contribue à l'amélioration de la santé des salariés et de la prévention par la connaissance des expositions professionnelles. Les données sont recueillies tous les 7 ans depuis 1994. Ce dispositif repose sur l’expertise des médecins du travail volontaires, qui remplissent, avec le salarié, un questionnaire sur les expositions professionnelles pendant l’examen médical. Un auto-questionnaire que le salarié remplit seul permet également d’appréhender, depuis 2003, la façon dont il vit sa situation de travail.

L’enquête Sumer 2016-2017 couvre l’ensemble des salariés de France hors Mayotte, soit près de 25 millions de personnes.
 

Dans le cadre de l’enquête Sumer, le médecin du travail relève les produits chimiques auxquels a été exposé le salarié sur la dernière semaine travaillée. Cette méthode permet de se référer à une situation concrète récente ; il conduit toutefois à sous-évaluer le nombre de salariés dont les expositions sont liées à des activités ponctuelles ou irrégulières, qui ont moins de chances d’avoir eu lieu au cours de cette période que les activités régulières.

Sont ici considérées comme cancérogènes les substances classées par le CIRC [3] en « groupe 1 » (l’agent ou le mélange est cancérogène pour l’homme) ou « groupe 2 : 2A » (probablement cancérogène pour l’homme) et/ou celles classées par l’Union européenne (UE) en « catégorie 1 A » (substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est avéré) ou « catégorie 1 B » (substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé).

Chaque classification ne liste pas de manière identique les produits chimiques cancérogènes : ainsi les gaz d’échappement diesel, le plomb et ses dérivés ne figurent pas dans la liste de l’UE. Le croisement des deux classifications permet donc d’être au plus près de l’ensemble des produits chimiques reconnus comme cancérogènes sur le plan scientifique. 

Comme certains intitulés du questionnaire de l’enquête Sumer portent sur des familles de produits et non sur des produits chimiques, et de ce fait ne correspondent pas systématiquement aux intitulés de la liste du CIRC ou de l’Union européenne, des choix ont été opérés. Une famille de produits chimiques est considérée comme cancérogène quand la majorité des produits qui la compose sont classés comme cancérogènes : les expositions sont alors en partie surestimées. C’est le cas par exemple pour les huiles minérales entières ou pour les amines aromatiques. En revanche, d’autres familles n’ont pas été retenues comme cancérogènes car la majorité des produits qui la compose ne sont pas classés cancérogènes : les expositions sont alors en partie minorées. Les choix, par construction, ont leurs limites et peuvent être questionnés. Mais ils sont motivés par la volonté d’établir une vision large des situations d’exposition aux produits chimiques cancérogènes et proche de la réalité dans les entreprises.