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Combien de salariés abandonnent leur poste et que deviennent-ils ?

Au 1er semestre 2022, environ 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé sont motivés par un abandon de poste. Cela représente 123 000 salariés, dont 116 000 en CDI.

Dans les trois mois suivant l’abandon de leur CDI, 55 % des personnes s’inscrivent à Pôle emploi et 37 % accèdent au moins une fois à un nouvel emploi.

Un abandon de poste décrit une situation dans laquelle un salarié quitte son poste de travail sans avoir prévenu ou obtenu l’autorisation de son employeur. Actuellement, il peut donner lieu à un licenciement ou une rupture anticipée de CDD pour faute grave ou lourde et permet potentiellement d’ouvrir un droit à l’assurance chômage. L'article 4 de la loi n° 2022-1 598 du 21 décembre 2022 prévoit une modification du traitement des salariés qui abandonnent leur poste. Après mise en demeure de leur employeur, ceux-ci seront désormais considérés comme démissionnaires et ne pourront donc plus ouvrir un droit à l’assurance chômage1.

Afin d’estimer le nombre d’abandons de poste donnant lieu à licenciement pour faute grave ou lourde, la Dares a interrogé un échantillon d’entreprises ayant procédé à ce type de licenciement au 1er semestre 2022, ce qui permet d’en connaître le motif précis (encadré). L’appariement ForCE est ensuite mobilisé pour caractériser les trajectoires des salariés ayant abandonné leur poste dans les trois mois suivant la fin de contrat.

Un complément d'information a été apporté le 27 juin 2023

123 000 salariés sont licenciés pour faute grave ou lourde suite à un abandon de poste au 1er semestre 2022

Au 1er semestre 2022, 173 000 contrats de travail du secteur privé sont rompus suite à un licenciement pour faute grave ou lourde. 71 % sont justifiés pour un abandon de poste, qui constitue le premier motif devant ceux de nature disciplinaire (27 %, en majorité des violences, des comportements déloyaux ou d’insubordination (tableau 1). Il s'agit pour l'essentiel d'abandons de postes définitifs  (94 % des cas, encadré) et nettement plus rarement d’abandons temporaires (6 %). 123 000 abandons de poste ont ainsi donné lieu à licenciement pour faute grave ou lourde au premier semestre 2022, dont 116 000 concernent des CDI. Les abandons de CDI représentent 5 % de l'ensemble des fins de CDI sur la période (contre 43 % pour les démissions, données complémentaires 1) et 14 % des fins de CDI involontaires donnant potentiellement droit à l'assurance chômage2 (données complémentaires 2).

TABLEAU 1 | Motifs justifiant le licenciement ou la rupture anticipée pour faute grave ou lourde au 1er semestre 2022

  Total CDI CDD
Motifs de licenciement Nombre (milliers) Part Nombre (milliers) Part Nombre (milliers) Part
Abandon de poste 123 71 % 116 71 % 7 65 %
Motif disciplinaire* 47 27 % 42 26 % 4 33 %
Motif non-disciplinaire 3 2 % 3 2 % NS NS
Total** 173 100 % 163 100 % 11 100 %

NS : Non-significatif.
Note : Nombres arrondis au millier ; les pourcentages sont calculés à partir des données non arrondies.
* Dont violences, comportements déloyaux, insubordination, vol ou destruction de matériel, consommation de drogues, critiques, accusations ou dénigrements,
autres motifs disciplinaires.
** Le total inclut également les erreurs de déclaration dont le nombre est très faible.
Lecture : au 1er semestre 2022, 71 % des licenciements pour faute grave ou lourde sont motivés par un abandon de poste.
Champ : France métropolitaine, secteur privé hors agriculture.
Sources : Dares, DSN, MMO et enquête sur les licenciements pour faute grave ou lourde.

Dans le commerce, transport et entreposage, les salariés abandonnent plus souvent leur CDI

Au 1er semestre 2022, 41 000 salariés abandonnent un CDI et sont licenciés pour faute grave ou lourde dans le commerce, le transport et l’entreposage, ce qui représente 18 % des ruptures involontaires de CDI et 7 % des fins de CDI dans ces secteurs (graphique 1). Les abandons de CDI sont moins fréquents dans l’industrie et la construction (4 % des fins de CDI dans les deux cas).

GRAPHIQUE 1 | Part des abandons de poste parmi les fins de CDI et les fins de CDI involontaires au 1er semestre 2022

37 % des salariés abandonnant leur CDI retrouvent un contrat de travail dans les trois mois

37 % des salariés abandonnant leur CDI au 1er semestre 2022 accèdent au moins une fois à un nouvel emploi3 dans les trois mois suivant leur abandon de poste (graphique 2). Parmi eux, 30 % retrouvent un CDI. Cette proportion est identique à celle observée pour les salariés mettant fin à leur CDI par une rupture conventionnelle, eux aussi potentiellement éligibles à l’assurance chômage, et nettement inférieure à celle des démissionnaires, qui ne le sont pas4 (69 %).

GRAPHIQUE 2 | Situation des individus dans les trois mois après avoir abandonné leur CDI

43 % des individus abandonnant leur CDI ouvrent des droits à l’assurance chômage dans les trois mois

Dans les trois mois suivant leur licenciement de CDI pour faute grave ou lourde du fait d’un abandon de poste, 55 % des individus s’inscrivent à Pôle emploi, qu’ils retrouvent un emploi salarié ou non sur la même période (resp. 16 % et 39 %, graphique 2) ; 43 % ouvrent un nouveau droit à l’assurance chômage (encadré), ce qui représente environ 50 000 personnes. Les individus abandonnant leur CDI ont moins recours à l’assurance chômage que ceux mettant fin à leur CDI par une rupture conventionnelle : parmi ces derniers, les proportions d’inscription à Pôle emploi et d’ouverture de droit sont respectivement de 73 % et 60 %.

Enfin, 24 % des personnes ne sont ni en emploi salarié, ni inscrites à Pôle emploi dans les trois mois suivant leur licenciement pour faute grave ou lourde du fait de l’abandon de leur CDI (graphique 2).


1 - Une démission liée au départ volontaire à l’initiative du salarié n’ouvre pas de droit à l’assurance chômage. Seules les démissions légitimes et les démissions intervenues à compter du 1er novembre 2019 peuvent, sous certaines conditions (justifier d’une certaine durée d’activité ; poursuivre un projet de reconversion, de création ou de reprise d’entreprise), ouvrir des droits.
2 - Les fins de contrats involontaires donnant potentiellement droit à indemnisation chômage sont, pour les CDI, les ruptures conventionnelles, les licenciements et les fins de période d'essai à l'initiative de l'employeur et, pour les CDD, les contrats arrivés à terme ainsi que les ruptures anticipées à l’initiative de l’employeur.
3 - C’est-à-dire qu’ils signent au moins un contrat de travail dans les trois mois suivant l’abandon de poste.
4 - Sauf dans certains cas, cf. note n° 1.

Les abandons de postes recensés ici peuvent être de deux natures: temporaires, en cas d’absence injustifiée d’un salarié qui est revenu à son poste de travail par la suite; définitifs, en cas d’absence injustifiée du salarié sans retour à son poste de travail malgré la mise en demeure de l’employeur de reprendre son travail. Dans les deux cas, ils constituent un motif de licenciement ou de rupture anticipée de CDD pour faute grave ou lourde.

Afin d’estimer le nombre d’abandons de poste, la Dares a réalisé une enquête en octobre et novembre 2022. Cette dernière a été menée auprès d’établissements ayant reporté, dans leur déclaration sociale nominative (DSN), au moins un « licenciement pour faute lourde ou grave » pour les CDI ou une « rupture anticipée pour faute grave ou lourde » pour les CDD au cours du premier semestre de l’année. Les établissements du secteur public et de l’agriculture sont exclus du champ, ainsi que ceux des départements et régions d’outre-mer. L’échantillon porte sur 2 000 salariés et le taux de réponse s’élève à 40 %. La part des abandons de poste est estimée à 71 %, avec un intervalle de confiance à 95 % compris  entre 68 % et 74 %. Le nombre de salariés abandonnant leur poste est estimé à 123 000 avec un intervalle de confiance à 95 % compris entre 117 000 et 128 000 salariés. L’enquête ne permet pas d’estimer le nombre d’abandons de poste durant les périodes d’essai, ni les abandons de poste qui ont donné lieu à un licenciement pour faute simple.

Les données de l’enquête sont appariées au fichier historique de Pôle emploi grâce à la base ForCE, afin d’estimer le nombre d’inscriptions et d’ouvertures de droit à l’assurance chômage suite à un abandon de poste. Du fait du recul temporel nécessaire à cette estimation, la proportion d’individus ouvrant un droit à l’assurance chômage dans les trois mois suivant leur abandon de poste ne peut être calculée que pour ceux ayant quitté leur poste entre janvier et mars 2022